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plus après l’achèvement des travaux en cours ou projetés parce que ces mesures ne répondent pas complètement aux énormes progrès réalisés dans ces derniers temps par les flottes modernes. Les Allemands étaient en retard ; ils le seront un peu moins, voilà tout. Disons même qu’en raison des solutions qu’ils ont adoptées, ils auront un plus grand nombre de points vulnérables, au double point de vue des dommages matériels et de l’effet moral. Il y a, sur les côtes de tous les pays, des points qu’il vaut mieux ne pas défendre du tout que de ne les pas défendre assez.

Pour bien faire, il faudrait tenir en plus juste estime les moyens de l’attaque, se moins complaire dans son propre prestige, perfectionner ses engins de défense, — chercher du nouveau, peut-être, et ce n’est pas assez que des dirigeables ! — en tout cas se montrer moins économe des deniers affectés à la défensive pure. On préfère dépenser la plus grande part de ses crédits pour l’élément offensif, pour la force navale active. Cette conduite est conforme aux principes. Malheureusement la seule justification positive, la seule vérification probante de ces « principes, » c’est la victoire. Si l’on n’est pas à peu près certain que les sacrifices trop exclusifs consentis en faveur de l’organisation de l’offensive conduiront à ce résultat essentiel, quels regrets se préparent, quels dangers vont se découvrir, quels avantages se présenteront à l’assaillant vainqueur !

Or, à supposer que la marine allemande soit fondée à croire qu’elle pourra toujours tenir en échec la marine russe sur le théâtre d’opérations de la Baltique orientale, est-elle donc si assurée d’être capable, en même temps, de balancer, en haute mer, l’effort de la flotte anglaise, qui sera certainement le plus vigoureux, le plus violent que la Grande-Bretagne ait jamais demandé à ses vaillans et habiles marins ?...

Il semble que ce soit la confiance à peine secrète, l’ambition presque avouée des hommes qui dirigent, et plus encore peut-être, de ceux qui soutiennent avec une orgueilleuse ardeur la politique maritime de l’Empire allemand. L’avenir dira s’ils ont vu juste. Nous, nous ne le pensons pas.