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La proposition de fortifier Sylt et son port, comme on l’a fait d’Helgoland en premier lieu et de Borkum tout récemment, cette proposition, séduisante et dangereuse à la fois, a déjà été lancée, écoutée, discutée. Les iles riveraines, les îles trop proches de la terre ferme sont de bien incertains points d’appui : très utiles tant qu’on les possède et qu’on se couvre de ce bouclier naturel ; très nuisibles dès que l’assaillant, concentrant sur elles son effort, s’en empare, s’y crée une place d’armes, et tourne contre le défenseur, désormais découvert, les moyens militaires que celui-ci y avait assemblés.

Quoiqu’il en soit, descendons toujours au Sud, et, dépassant l’embouchure de l’Eyder qui servait d’issue dans la mer du Nord au canal primitif de Kiel, le canal exclusivement commercial des rois danois, arrivons au large estuaire de l’Elbe.

Cüxhaven s’y découvre aussitôt, derrière la large tour carrée de l’ilot bas de Neuwerk, Cüxhaven dont la fortune militaire a grandi si vite, dans ces vingt dernières années, avec celle de la marine allemande elle-même et surtout depuis le percement du canal maritime « Kaiser Wilhelm, » qui débouche dans l’Elbe à Brunsbüttel, à 30 kilomètres en amont et sur la rive opposée, la rive droite, du grand fleuve de Hambourg.

Un fort de style ancien, encore qu’assez bien armé, celui de Kügelbaake, doublé de deux batteries, dont l’une de mortiers de 21 centimètres, existait déjà à l’extrême pointe de Cüxhaven avant l’ouverture du canal maritime. Depuis peu d’années, on l’a renforcé sur sa gauche, du côté du large et de Neuwerk, d’une très puissante batterie de 6 canons de 305 millimètres, que l’on désigne sous le nom des localités voisines de Döse ou de Dühnen.

C’est un ouvrage bien organisé dont l’ossature est formée d’un véritable bloc de béton de ciment assez épais, — 3 mètres environ, — pour résister aux gros projectiles lancés de quelques milliers de mètres. Mais les bouches à feu tirent à ciel ouvert et, quoique pourvues de boucliers métalliques verticaux, elles restent justiciables, la batterie étant à peu près au ras de l’eau, de l’artillerie parfaitement protégée des cuirassés modernes.

Il y a eu là cependant, de la part des ingénieurs allemands, un effort qu’il faut noter, mais qu’il ne semble pas que l’on veuille renouveler à Cüxhaven même. La disposition des lieux est telle, du reste, qu’il faudrait, pour augmenter le nombre des pièces de gros calibre donnant des feux sur le chenal du Südergat, ou bien refaire