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est inaccessible aux bâtimens de fort tonnage et d’ailleurs trop enfoncé dans les terres. Or les Allemands savent bien de quelle conséquence serait pour eux, au double point de vue matériel et moral, la perte de cette île, ancienne possession suédoise, dont le grand promontoire d’Arkona domine toute la Baltique méridionale et qui commande à la fois la Poméranie et le Mecklembourg.


Au débouché du Petit-Belt et du Grand-Belt dans le fond de la Baltique occidentale, en face de l’archipel danois, le fjord de Kiel se creuse dans la côte mamelonnée du Holstein. Juste au milieu de sa rive occidentale, à Holtenau, s’ouvrent et se ferment, suivant les dénivellations d’une très faible marée, les écluses du grand canal maritime, que l’on creuse, que l’on élargit, que l’on rectifie, de manière à donner aux grands « Dreadnoughts » allemands une issue plus assurée sur l’Elbe et la mer du Nord. Tout au fond de cette longue baie de 16 kilomètres, sur la rive opposée à celle de Holtenau et en face de Kiel même (une grande ville déjà), s’étendent les vastes constructions et les larges bassins de l’arsenal d’Ellerbeck, encadrés, au Nord par les chantiers Howaldt, au Midi, par les chantiers Germania, acquis, il y a quelques années, par la maison Krüpp.

Une sorte de goulet, étranglement de 1 200 mètres de largeur en moyenne sur 2 000 mètres de longueur, sépare la baie de Kiel proprement dite de son vestibule, en forme d’entonnoir assez évasé. C’est sur les deux rives de ce goulet que se groupent les ouvrages de défense, soit quatre forts fermés, — au nombre desquels l’ancienne forteresse danoise de Friedrichsort, — et trois ou quatre batteries annexes de médiocre importance.

Les forts eux-mêmes n’ont rien de remarquable, ni comme relief, ni comme dispositions intérieures, ni comme armement. Ils n’ont pour eux, et ceci ne s’applique même pas à Friedrichsort, que leur altitude. La crête du Falkenstein, sur la rive gauche, atteint à peine 24 mètres, celle du Stosch, sur la rive droite, arrive à 36 mètres, et celle du fort Korügen, un peu au Sud du précédent, s’élève jusqu’à près de 40 mètres.

Ce sont d’ailleurs les seuls ouvrages maritimes allemands qui jouissent de cet avantage. Aussi n’a-t-on pas jugé nécessaire de dépasser pour leurs bouches à feu les calibres de 21, 24 et 26 centimètres, suffisans, pense-t-on, pour causer de sérieux