campagne de l’Indépendance américaine ; proscrit en 1792, il a failli être victime de la Terreur ; toujours et partout, il a prodigué son dévouement à la royauté et l’on doit supposer que, de tous les souvenirs qu’il a évoqués dans ses récits d’outre-tombe, il n’en est pas auxquels il ait attaché le même prix qu’à celui des tentatives auxquelles il se livra pour sauver la tête de Louis XVI. Il avait le droit d’en être fier, bien qu’elles n’eussent pas réussi, puisque c’est miracle qu’elles ne lui aient pas coûté la vie. Elles constituent d’ailleurs le morceau capital de son livre et n’eût-il eu que cet épisode à rappeler, que c’en serait assez pour donner à ce volume une réelle valeur.
Menacé de poursuites pour avoir manifesté trop vivement ses opinions et ses sympathies royalistes, il s’était réfugié en Angleterre. Il apprend à Londres qu’il est question de mettre le Roi en jugement. Considérant que c’est un devoir sacré pour lui d’essayer de le sauver, il n’hésite pas à rentrer en France, au mépris de la loi du 23 octobre 1792, qui condamnait les émigrés à un bannissement perpétuel et punissait de mort ceux qui oseraient l’enfreindre. Sous l’uniforme des matelots anglais, il débarque au Havre, parvient à se procurer un certificat de résidence et un passeport et, ayant changé de costume, il part pour Paris. A peine arrivé, il court chez Danton et le trouve au lit.
— Etes-vous fou ? s’écrie Danton en le reconnaissant. Ignorez-vous que vous courez péril de mort ?
— Je le sais, répond Lameth ; mais vous avez voulu sauver la vie de mon frère, et en mettant la mienne dans vos mains, je vous prouve ma reconnaissance.
Alors s’engage une conversation trop longue pour être reproduite ici, mais qu’il faut lire dans les Mémoires. Elle se termine par cette déclaration de Danton :
— Sans être convaincu que le Roi ne mérite aucun reproche, je trouve juste, je crois utile de le tirer de la situation où il est. J’y ferai avec prudence et hardiesse tout ce que je pourrai, si je vois une chance de succès. Sinon, ne voulant pas que ma tête tombe avec la sienne, je serai parmi ceux qui le condamneront.
Déçu par ce langage, Lameth apprend en quittant Danton que les scellés viennent d’être mis dans son domicile, bien qu’il n’y ait pas paru depuis longtemps. Le danger qu’il court est terrible et pressant. Alors, il paye d’audace et, afin de le conjurer