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régime de Juillet, la Seconde République, et enfin les débuts du Second Empire. Pour un observateur attentif que la destinée avait mis dans une place privilégiée pour ne rien perdre des événemens, de leurs origines, de leurs causes et de leurs conséquences, il y avait dans une carrière aussi longue ample matière à des récits attachans et suggestifs. Thibaudeau ne s’est pas fait faute de les écrire et la liste de ses œuvres ne laisse pas d’être abondante.

Toutefois il y manquait une autobiographie sur sa vie politique et administrative depuis le 18 Brumaire jusqu’à la Restauration. C’est cette autobiographie que nous trouvons dans les nouveaux Mémoires qui sont, en réalité, la continuation, la suite et, pour tout dire, le complément des publications précédentes. Ils ne sont pas moins intéressans que celles-ci et, encore qu’au point de vue anecdotique ils ne se puissent comparer à d’autres Mémoires, tels que ceux de la marquise de la Tour du Pin, et du comte de Montbel, ils n’en apportent pas moins à l’histoire du siècle dernier une contribution précieuse.

Bien que Thibaudeau aimât et admirât Bonaparte, on ne le trouve jamais en posture de courtisan et c’est pour cela sans doute que la faveur complète de Napoléon lui fit défaut alors qu’il devait espérer que le nouvel empereur reconnaîtrait son dévouement et ses services plus généreusement qu’il ne le fit en le nommant préfet des Bouches-du-Rhône. Une fois à cette place, où il demeura, nous l’avons dit, jusqu’à la fin de l’Empire, l’ancien Conventionnel, devenu fonctionnaire d’un autocrate ne cessa pas de suivre de près les événemens qui se déroulaient au delà du théâtre sur lequel s’exerçait son activité. Les échos lui en arrivaient sous diverses formes et il pouvait en comprendre la gravité tantôt par la multiplicité des ordres contradictoires que lui faisait transmettre l’Empereur, tantôt dans les lettres qu’il recevait d’amis ou d’anciens collègues de la Convention pourvus de fonctions plus hautes que les siennes.

Parmi ses correspondans se trouvait Fouché. Le méprisait-il, comme l’affirme Thiers, et, tout en le méprisant, se laissait-il conduire par lui ? Ses Mémoires n’élucident pas cette question. Mais ils nous fournissent la preuve qu’à la demande de Thibaudeau, Fouché intervint à plusieurs reprises pour le défendre auprès du Maître, et notamment en 1813, alors que l’Empereur, aigri par les revers de la Grande Armée en Russie, devenait