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devait passer près de cinq années, vivant de son travail et si soucieux de n’être à charge à personne, ainsi qu’il se l’était promis, que, s’étant mis en relations avec la famille royale proscrite et chargé par Charles X de lui communiquer toutes les nouvelles qu’il recueillerait à Vienne, il refusa le traitement que le Roi voulait attacher à sa fonction.

Il lui écrivait :

« Je dois rester digne de votre estime, Sire, en ne descendant pas au rang de ces âmes vénales qui ne conçoivent le dévouement que lorsqu’il leur rapporte quelque avantage ou que, du moins, il ne leur coûte aucun sacrifice. Dans la situation actuelle, les personnes avec lesquelles je suis en relations respectent ma pauvreté ; il est nécessaire pour votre service que je n’en sorte pas. Tous auraient le droit de me mépriser, si je consentais d’être à charge à l’infortune de mon maître. »

Devenu ainsi l’homme de confiance de Charles X, et chargé de défendre à Vienne ses intérêts dans la mesure où ils pouvaient l’être, le comte de Montbel ne pouvait conserver longtemps son incognito. Peu à peu, sa présence dans la capitale autrichienne cessa d’être un mystère ; on sut quel personnage se cachait sous le nom qu’il portait et les salons s’ouvrirent devant lui. Il est regrettable qu’il ne parle pas plus longuement des relations qu’il s’était créées dans la société viennoise. Néanmoins, le peu qu’il en dit témoigne de l’estime et de la déférence dont il y était l’objet. Il en reçut les marques constantes jusqu’au jour où, en 1835, Charles X et les siens lui demandèrent d’aller s’établir auprès d’eux. Il s’empressa de déférer à leur désir, et, dès ce moment, il ne quitta plus la famille royale proscrite, la servant par amour, associé à ses deuils et à ses joies. Il en fut ainsi, durant de longues années, jusqu’au jour où il mourut à Frohsdorf, le 29 janvier 1861.

C’est durant les années qui précédèrent sa fin qu’il entreprit d’écrire les Souvenirs dont nous devons la publication à son petit-fils, M. Guy de Montbel. Ils s’arrêtent presque au début de son séjour à Vienne, la mort l’ayant empêché de les continuer, et ce serait certes un grand dommage, nul mieux que lui ne pouvant nous raconter l’existence des Bourbons de la branche aînée dans leur exil, si nous n’étions assurés qu’à une date prochaine, son « Journal » nous la racontera. Jusque-là, et grâce à ce qu’il nous en dit dans ses Souvenirs, quoique ce soit