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Chantelauze et Guernon-Ranville étaient arrêtés. D’Haussez et Capelle avaient échappé au malheureux sort de leurs collègues. Quatre jours plus tard, Metternich confia à Montbel qu’un envoyé de Louis-Philippe, le général Belliard, était venu à Vienne pour y donner officiellement connaissance des événemens de Paris et solliciter de l’empereur d’Autriche la reconnaissance du nouveau Gouvernement.

On était satisfait de son langage. A une déclaration que lui avait faite Metternich, portant que jamais l’Autriche ni l’Europe ne supporteraient d’empiétemens de la part du régime de Juillet, il avait répondu :

— Fiez-vous à nos efforts, ils seront tous dirigés contre l’anarchie. Nous ne la voulons ni pour nous, ni pour les autres pays.

Si Montbel avait espéré que l’Autriche prendrait fait et cause pour Charles X contre Louis-Philippe, il fut détrompé par les propos qui lui étaient tenus. L’Empereur abhorrait la Révolution qui venait de s’accomplir en France ; mais, si Louis-Philippe adoptait la même ligne de conduite que les autres Etats européens, il était impossible de le traiter en ennemi.

— Nous l’avons reconnu comme un mal abhorré, dit encore Metternich, mais moindre pour nous que l’anarchie. Si l’on me proposait d’être pendu ou roué, je préférerais la potence.

Ces discussions se poursuivirent durant plusieurs audiences ; mais elles étaient toutes platoniques et ne pouvaient produire aucun résultat. Elles n’altérèrent en rien d’ailleurs le caractère bienveillant des procédés dont Montbel fut l’objet. Ils se manifestèrent notamment par l’offre de secours en numéraire que fit Metternich, en son nom et au nom de son souverain, au noble serviteur des Bourbons, en lui faisant observer que de sa part, à lui, c’était un procédé de collègue à collègue, de gentilhomme à gentilhomme. Très ému par cette proposition généreuse, Montbel refusa en exprimant la plus vive gratitude. Il avoue qu’il lui restait encore six cents francs des sommes qu’il avait reçues ou empruntées. Avec une stricte économie, il pouvait vivre pendant assez longtemps et, si c’était nécessaire, se créer des ressources, en donnant des leçons de littérature ou d’histoire ou en prenant un emploi chez un banquier. Il voulait que ses revers ne fussent à charge à personne.

Tels furent les débuts de son installation à Vienne où il