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comme ils l’ont fait en 1792 et en 1815. Les données sont bien changées. Les esprits ont généralement accueilli avec enthousiasme la nouvelle Révolution que Paris a déchaînée sur la France. En Angleterre surtout, les masses se sont prononcées avec une exaltation qui ne laissait aucune possibilité au gouvernement britannique d’hésiter sur la reconnaissance de Louis-Philippe. L’Angleterre prenant ce parti, nous ne pouvions nous établir en hostilité immédiate contre la Révolution de France.

— Mais ne croyez-vous pas, mon prince, demanda Montbel, qu’en permettant à une telle usurpation de participer au droit des gens, vous exposez votre pays à de graves désordres et apprenez à vos peuples que tout droit disparait devant le succès d’un attentat ?

— Votre observation est fondée en principe, répliqua le chancelier, mais nous ne pouvons rester isolés en Europe et lutter seuls contre un fait que j’ai soin de caractériser comme il le mérite.

Il ajouta qu’il prenait les précautions nécessaires en face du grand danger que créait la catastrophe de Juillet. L’Autriche rappelait sous les drapeaux toutes ses réserves et les militaires en congé. Elle envoyait de nombreux corps de troupe dans ses possessions d’Italie et partout où elle pouvait craindre des soulèvemens.

Comme Montbel faisait part à son interlocuteur de son dessein de se fixer à Vienne, celui-ci lui demanda s’il ne craignait pas que son séjour dans la capitale n’amenât quelque fâcheuse compromission. Montbel ne le pensait pas et fit même remarquer que le gouvernement de Louis-Philippe voudrait bien que tous les anciens ministres de Charles X fussent hors de France ; ce serait pour lui une préoccupation et un danger de moins. D’ailleurs, il comptait vivre à Vienne dans une solitude absolue et sous le nom d’emprunt qu’il avait pris en quittant la France. Devant cette promesse, Metternich lui déclara qu’il approuvait son dessein ; il s’en rapportait à sa prudence.

Ils se revirent le lendemain, et Montbel, autorisé à prendre connaissance des dépêches confidentielles qu’avait reçues Metternich et qui lui rendaient compte des événemens de France, apprit qu’après bien des péripéties, Charles X et sa famille étaient heureusement arrivés en Angleterre. Il fut également fixé sur le sort de ses anciens collègues ; Polignac, Peyronnet,