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Libéré des angoisses auxquelles il avait été livré avant de sortir de France, ayant eu le bonheur de recevoir des nouvelles de sa famille et d’apprendre qu’elle était rassurée sur son sort, il s’abandonna aux jouissances que lui procurait son voyage vers l’Autriche. On était dans la belle saison et la Suisse qu’il traversait lui offrait toute la beauté de ses paysages enchanteurs. Durant quelques jours, il oublia les graves préoccupations que devaient lui suggérer les incertitudes de son avenir. Le récit de ce voyage se ressent de sa sérénité un moment reconquise et d’autant que sur sa route d’heureuses surprises l’attendaient. A Winterthur, au sortir de Zurich, un de ses amis les plus chers vient se jeter dans ses bras. C’était Henri de Donald, le fils de l’illustre écrivain dont les œuvres ont immortalisé le nom. Passionné de musique, Henri de Donald était venu à Winterthur pour assister à des festivals musicaux qui se donnaient dans cette ville et pour revoir le pays où son père avait vécu durant l’émigration et où s’était écoulée son enfance. Comme il voulait visiter à Constance la maison que son père et lui-même avaient habitée, Montbel l’accompagna dans ce pieux pèlerinage. Au retour, ils croisèrent une voiture attelée de chevaux fringans, dans laquelle était assise une jeune femme vêtue de blanc. Ils demandèrent qui elle était ; on leur nomma la reine Hortense. Un peu plus loin, ils virent descendre devant leur auberge une autre femme : c’était la reine de Wurtemberg, Pauline, fille du duc de ce nom, et avec qui le Roi, veuf de la grande-duchesse Catherine, sœur de l’empereur de Russie, s’était remarié. Ces incidens, d’autres encore qu’il raconte avec esprit, agrémentèrent son voyage qui prit fin le 5 septembre. Il arrivait à Vienne ce jour-là ; il y en avait trente-cinq qu’il s’était enfui de Rambouillet.

Dans la soirée, il était reçu par le prince de Metternich. Il s’étend longuement sur les détails de cette audience et ce n’est pas la partie la moins intéressante de ses souvenirs. L’accueil fut affable et cordial et l’entretien se prolongea jusqu’à une heure avancée. En sa qualité de serviteur dévoué de Charles X, Montbel, bien qu’il ne fût chargé par son roi d’aucune mission, s’efforça de convaincre le chancelier d’Autriche de la nécessité de ne pas reconnaître le gouvernement de Louis-Philippe. Mais il se heurta à une résolution déjà prise.

— Les gouvernemens, objecta Metternich, ne peuvent agir