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révèlent qu’il était sans confiance dans l’avenir et qu’en endossant avec résignation les responsabilités du pouvoir, il ne partageait pas les illusions de Charles X et de Polignac qui se considéraient comme les sauveurs de la Royauté, alors que, par leur imprévoyance, leur présomption et leur impéritie, ils allaient précipiter sa chute.

Les prévisions douloureuses de quelques hommes que n’aveuglait pas leur dévouement aux Bourbons, ne tardèrent pas à se réaliser. A la fin de juillet 1830, une insurrection formidable éclatait dans Paris et renversait en trois jours le trône séculaire qu’avait ébranlé la politique imprudente de Charles X et de Polignac et qu’ils n’avaient pas su défendre. On sait quelles furent pour Polignac et pour les ministres ses collègues les conséquences de ce tragique événement. Obligés de s’enfuir pour échapper aux poursuites dont ils étaient l’objet, ils se séparèrent, chacun s’en allant de son côté. Mais quatre d’entre eux, le comte de Peyronnet, le comte de Guernon-Ranville, le baron de Chantelauze et enfin Polignac se laissèrent prendre. On sait aussi que, traduits devant la Cour des Pairs, ils furent condamnés à la détention perpétuelle et que le Gouvernement de Louis-Philippe dut recourir aux mesures les plus rigoureuses pour les dérober aux violences de la populace qui, le jour de leur condamnation, avait envahi les abords du palais du Luxembourg. Les trois autres, le baron d’Haussez, le baron Capelle et le comte de Montbel parvinrent a gagner la frontière à travers les plus pressans périls

Le premier était parti seul et, durant plusieurs jours, on ignora son sort. Quant à Montbel et à Capelle, s’associant dans l’infortune et restant unis ainsi qu’ils l’avaient été au pouvoir, ils n’échappèrent que par miracle aux recherches de la police. Il faut lire dans le récit de Montbel les émouvans détails de leur fuite et comment, après qu’ils eurent erré durant plusieurs jours, Capelle, en qui sa mauvaise santé et sa faiblesse physique détruisaient toute énergie, supplia son compagnon de ne plus s’occuper de lui et de ne songer qu’à son propre salut. Montbel refusa de l’abandonner et ils résolurent de revenir à Paris où il leur serait plus facile de se cacher et de se procurer des passeports et les moyens nécessaires pour sortir de France. Aux approches de la capitale, ils jugèrent prudent de ne pas marcher ensemble. Montbel passa devant, laissant son compagnon