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J’en dirai tout autant des Souvenirs du comte de Montbel[1], qui ont paru presque en même temps que les Mémoires de la marquise de la Tour du Pin. Contrairement à ce que pouvait faire supposer le nom de l’auteur, qui fut ministre de Charles X, et victime de son dévouement à la cause royale, l’histoire de ses malheurs, racontée par lui avec toute la gravité que comporte le sujet, est cependant remplie d’anecdotes, de portraits, d’incidens tour à tour plaisans et tragiques, qui corrigent ce qu’ils auraient eu de sévère s’il s’en était tenu à nous parler de son rôle politique.

Né à Toulouse en 1787, il était, à treize ans près, le contemporain de la marquise. Quoique encore enfant, alors qu’elle était déjà une jeune femme, il a vu comme elle se dérouler les péripéties de la Terreur et des années qui suivirent. Il n’en a pas souffert au même degré, mais, dans une certaine mesure, il a subi le contre-coup des angoisses qu’éprouvèrent durant ces jours sinistres ses parens, les amis de sa famille et, pour tout dire, son entourage. Nous savons tous par expérience combien profonde est l’empreinte que laissent le plus souvent dans l’imagination des enfans les événemens dont ils furent les témoins. De tous les souvenirs que nous gardons du passé, il n’en est pas de plus vivaces et de plus indestructibles en nous que ceux de notre enfance. Ce que nous oublions le plus aisément en vieillissant, c’est ce qui s’est déroulé sous nos yeux quand nous étions déjà des hommes et non ce qui a frappé notre esprit et notre cœur quand ils se sont éveillés et nous ont mis en état de regarder la vie. Il n’est donc pas étonnant qu’en faisant revivre, pour nous les raconter et pour nous les décrire, les choses et les hommes dont, enfant et adolescent, il eut le spectacle, le comte de Montbel nous y intéresse autant que nous y ont intéressés déjà les narrateurs qui les avaient vus de plus près ou plus directement et qui parfois même y ont été mêlés.

Les pages qu’il consacre à la première partie de son existence ne laissent pas d’être révélatrices et instructives, ne serait-ce que parce qu’elles nous montrent la répercussion qu’eurent dans les provinces les événemens de Paris au cours de la période révolutionnaire et pendant la durée de l’Empire. Toutefois, j’attache un plus grand prix à la partie des Souvenirs

  1. 1 vol. in-8 ; Plon-Nourrit.