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profonde de la propriété foncière. Le 25 juillet 1912, lord Lansdowne prononçait à l’Assemblée annuelle de la Rural league un important discours où il disait : « Il y a des aspirations nouvelles avec lesquelles il faut compter. Nous sommes, au fond de nous-mêmes, je le crois, déjà convaincus que l’heure est venue où nous ne pouvons plus dire que l’ancienne organisation agricole en contact avec laquelle nous avons été élevés, suffit entièrement aux besoins de la communauté. »

Mais le système que préconise lord Lansdowne, diffère sensiblement de celui des Libéraux. A la constitution d’une classe de fermiers d’Etat, il préfère celle d’une classe de petits propriétaires, analogue à celle qui existe en France. Il croit à l’avantage politique et social de la petite propriété, et il cite cette parole d’un ministre de l’Agriculture français, à laquelle il donne son adhésion, que « la petite propriété est le centre de gravité de la société rurale. » Il combat l’idée, assez généralement répandue, que le paysan anglais n’a pas le goût de la propriété et qu’il préfère être fermier. « Quelle est, dit-il, la première question que pose un enfant, lorsqu’on lui donne un jouet ? Est-il bien vraiment à moi, » et il ajoute : « L’enfant est le père de l’homme. » Pour arriver à créer cette classe de petits propriétaires, lord Lansdowne préconise l’adoption d’un projet de loi, proposé par un membre conservateur du Parlement, M. Jessie Collins. Ce système se rapprocherait beaucoup de celui que lord Wyndham a fait adopter pour l’Irlande et qui était en train de si bien réussir. Le crédit national serait mis à la disposition de ceux qui voudraient acquérir la propriété (de la terre. Des avances à charge de remboursement seraient faites à eux ou à des banques qui serviraient d’intermédiaires, et ainsi la démocratie britannique, — lord Lansdowne ne recule pas devant l’emploi du mot, — verrait se réaliser peu à peu cet idéal auquel le vieux Joë, alors qu’il était encore radical, l’appelait, et à laquelle il avait donné cette formule pittoresque : « un acre et une vache. »

Lequel l’emportera du plan libéral ou du plan conservateur ? Ce sont les prochaines élections qui en décideront. Mais si, d’une façon générale et sans parler uniquement de la question de la terre, les Unionistes arrivent au pouvoir, ils ne reviendront assurément pas sur les mesures déjà prises par les Libéraux ; et si les Libéraux y demeurent, comme ils reviendront assurément affaiblis, ils seront obligés de tenir compte du mouvement