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qui désignerait un certain nombre de pairs. Je croyais que c’était une opinion individuelle. Lors du séjour que je viens de faire en Angleterre, j’ai appris, avec un étonnement plus grand encore, que cette opinion était partagée par un assez grand nombre de personnes dans le parti unioniste. Qu’en sera-t-il ? Personne en ce moment ne peut le dire, mais si c’est le parti conservateur qui porte la main sur la Chambre des Lords, cette vieille gloire, cette arche sainte de l’Angleterre, si c’est par eux que tout vestige du principe héréditaire doit être extirpé du Parlement anglais, ce sera certainement un des plus extraordinaires paradoxes dont l’histoire politique aura un jour à faire mention. Est-ce une nécessité ? Je l’ignore, mais je comprends qu’un homme comme le marquis de Lansdowne ne soit pas pressé de se charger de cette mélancolique opération.


Que les Unionistes arrivent au pouvoir, que les Libéraux y demeurent, les uns et les autres se trouvent et se trouveront de plus en plus en présence d’une question dont la gravité s’accroît et devient plus aiguë d’année en année : c’est la question de la terre.

« 2 500 personnes détiennent plus de la moitié de la superficie du Royaume-Uni, 16 millions d’hectares sur 30 millions. 91 personnes possèdent la sixième partie du sol. » J’emprunte ces lignes à l’ouvrage de M. Bardoux auquel je laisse la responsabilité et l’honneur de ces chiffres, établis par lui après un travail minutieux. C’est dire que la moyenne et surtout la petite propriété n’existe pas en Angleterre. Il y a une trentaine d’années, causant avec un fonctionnaire du Local government board et m’étonnant des agglomérations d’enfans abandonnés qui sont accumulées à la campagne dans des internats, je lui expliquais notre système français, qui consiste à confier ces enfans à des paysans. « Nous n’avons pas, me répondit-il, votre magnifique race de paysans. » Cette réponse m’est toujours restée dans l’esprit. En effet, le paysan, tel que nous le comprenons, n’existe pas en Angleterre. Il n’y a guère que des journaliers agricoles logés, parfois gratuitement, dans des cottages qui ne sont point leur propriété et appartiennent au Landlord. La diminution des terres arables, l’extension des pâturages, sont cause que le besoin de la main-d’œuvre rurale se fait de moins en moins