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peut-être, sans pouvoir en convenir, le sentiment que si le Home Rule passait en force de loi, ce serait, au point de vue électoral, un avantage pour eux. La loi qui donnera un parlement à l’Irlande sera nécessairement complétée par une nouvelle répartition des sièges, qui réduira la représentation irlandaise à quarante membres, de cent trois qu’elle est aujourd’hui. Or, à supposer que les Unionistes l’emportent aux élections prochaines, s’il doit y avoir encore dans le prochain Parlement un groupe compact de cent trois Irlandais votant avec les Libéraux et les Radicaux, la majorité des Unionistes sera tellement faible qu’il leur sera bien difficile de gouverner efficacement. Ils auraient donc, à n’arriver au pouvoir qu’une fois le Home Rule voté, un intérêt dont ils ne peuvent pas convenir, mais qui les rend moins pressés.

Enfin, lorsqu’ils y arriveront, ils auront à résoudre une question qu’ils n’ont point hâte d’aborder, parce qu’en elle-même, cette question ne leur est point agréable et que la solution n’en est pas facile à trouver : c’est la réforme de la Chambre des Lords.

La Chambre des Lords a commis une grosse imprudence, lorsqu’en 1909 elle a rejeté le fameux budget préparé par M. Lloyd George, ce budget qui était, suivant l’expression employée par lord Rosebery, une révolution, et cependant lord Rosebery a fini par le voter. Encouragé par le succès qu’elle avait obtenu, en rejetant autrefois le projet de Home Rule, proposé par Gladstone, elle a joué son existence sur une question financière, ce qui était contraire, sinon à la Constitution, puisque, à proprement parler, il n’y a pas de constitution en Angleterre, du moins à la tradition parlementaire. Les Lords avaient trop compté sur leur force et sur leur popularité personnelle qui, pour quelques-uns d’entre eux, est en effet très grande et très méritée. Ils ont perdu, il faut qu’ils payent.

Ce n’est pas ici le lieu de rappeler les causes qui avaient porté successivement atteinte à leur prestige : trop grand nombre, non pas précisément des undesirables pears, mais des backwood men, hommes des bois, absolument inaptes à des fonctions législatives, qu’au reste ils n’exercent pas ; dédain et oubli systématiques de leurs droits et de leurs devoirs, par 400 membres dont la moitié ne met jamais le pied à la Chambre des Lords et l’autre moitié n’y vient que contrainte efforcée, dans les grandes