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du protectionnisme, sans avoir en échange la certitude d’un pacte de préférence coloniale, serait le comble de l’imprudence. Aux élections dernières, les Unionistes en ont bien eu le sentiment. Ils ont ajourné la question et déclaré que, s’ils arrivaient au pouvoir, ils n’inaugureraient point une politique économique nouvelle avant d’avoir consulté le pays par la voie du Referendum. Ils ont même déclaré à l’avance qu’ils renonceraient aux taxes sur les objets d’alimentation ; mais si, demain, ils prenaient le pouvoir, il leur faudrait bien dissoudre la Chambre et consulter le pays. Quel parti prendre ? S’obstiner dans le Tariff Reform, c’est courir au-devant de la défaite. Y renoncer, c’est-à-dire se déjuger et reconnaître que depuis dix ans on a donné un mauvais conseil ? De pareils aveux ne grandissent pas beaucoup un parti, et d’ailleurs les chefs ne sont pas d’accord. Si M. Balfour, qui a toujours été un protectionniste assez tiède, consentirait, dit-on, assez volontiers à ne plus se placer sur ce terrain, il n’en est pas de même de M. Austen Chamberlain qui, par piété filiale sans doute, ne veut pas en démordre. M. Bonar Law est du même côté. Un accord apparent n’a pu être maintenu que par l’engagement public, pris au commencement de l’année par le parti unioniste, d’ajourner encore, lors des élections prochaines, la question du Tariff Reform. Mais ajourner toujours n’est pas une manière de se tirer d’affaires et rien ne montre mieux que ces ajournemens successifs l’embarras du parti.

Une autre question est pour les Unionistes cause de difficulté ; c’est le Home Rule. C’est sur le terrain de la lutte contre le Home Rule que le parti s’est formé. Il lui doit son nom. Il l’a toujours combattu et le combat encore avec passion. M. Bonar Law a été jusqu’à dire, — ce qui de la part d’un chef du parti conservateur est une parole singulièrement grave, — que si le Home Rule était définitivement adopté par le Parlement, les gens de l’Uster, les Orange men, en un mot la partie protestante de l’Irlande, serait en droit de s’opposer à la mise en pratique du nouveau système par la force des armes. Un des hommes les plus considérables du parti unioniste, sir Edward Carson, tenait hier encore, à Belfast, à peu près le même langage. Cependant les Unionistes ne sauraient méconnaître que le Home Rule ne soulève plus en Angleterre des préventions aussi vives qu’autrefois. Aussi, au fond, tout à fait au fond de l’âme, quelques-uns ont