Page:Revue des Deux Mondes - 1913 - tome 16.djvu/598

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

remise de la discussion. Fureur du Labour Party, interruptions violentes, injonction au ministre de continuer la discussion. Il reste encore à statuer sur dix-sept amendemens. Le Labour Party exige qu’ils soient tous exécutés et le ministre, ainsi sommé, retire sa demande. La discussion reprend et dure encore deux heures. Rien ne montre mieux à quel point le Ministère est l’esclave des extremists de sa majorité. Disons cependant que ces séances se prolongeant jusqu’au jour sont conformes aux plus anciennes traditions du Parlement anglais. Je ne me rappelle plus exactement quel est le grand ministre, — je crois bien que c’est William Pitt, — qui, ayant fait adopter par la Chambre une mesure libérale et voyant les premiers rayons du soleil levant illuminer en même temps les vitres du Palais, tira de cette coïncidence une péroraison magnifique en citant ces deux vers de Virgile :


Nosque ubi primas equis Oriens afflavit anhelis
Illic sera rubens accendit lumina Vesper.


Quelque regret que j’éprouve de n’avoir pas assisté à ce curieux incident, je suis cependant très satisfait d’avoir vu ce que j’ai vu. Sans doute, j’aurais aimé entendre quelque harangue enflammée de M. Lloyd George, quelque habile et éloquent discours comme M. Balfour sait les faire, mais je n’y comptais pas. Ce que je me proposais c’était de voir fonctionner la machine parlementaire anglaise, et je l’ai vue. Je dirai avec l’absence de parti pris dans l’admiration ou le dénigrement que je m’efforce d’apporter dans ces notes, quelle a été mon impression par comparaison avec nos assemblées françaises.

On m’avait dit, j’avais lu qu’en particulier depuis les élections dernières, l’aspect de la Chambre des Communes avait beaucoup changé, qu’elle avait perdu l’aspect d’une assemblée d’hommes du monde, que les vestons gris et les chapeaux mous y dominaient. C’est très exagéré ; l’aspect est toujours celui d’hommes appartenant en grande majorité à un certain milieu social ; la plupart sont en jaquette noire et, s’il y a des vestons ou des jaquettes grises, ce qui n’est pas un crime, il m’a paru y en avoir presque autant sur les bancs des Unionistes que sur les bancs ministériels. Contrairement à nos usages, un certain nombre de membres gardent leurs chapeaux, moins qu’autrefois, me dit-on, mais ce sont toujours des chapeaux hauts de