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de ce que je voulais voir et ne parlerai que de cela. Je n’essaye de faire ici que de l’impressionnisme et, pour avoir une impression, il faut avoir vu.

J’ai commis une première maladresse. Je croyais que la séance n’ouvrait qu’à quatre heures et qu’arrivant à trois heures et demie, je serais en avance. Or, elle a commencé à trois heures moins le quart. J’ai donc manqué le commencement, ce qu’on appelle : The question time (le temps des questions). Sur le feuilleton de l’ordre du jour qui m’a été remis, il n’y en avait pas moins de 82 annoncées, dont un certain nombre adressées au Chancelier de l’Echiquier, au premier Lord de l’Amirauté, au Premier Ministre lui-même. Il me paraissait matériellement impossible qu’autant de réponses eussent été faites. Mais on m’assure que cela est possible, les questions n’étant pas posées de vive voix, mais lues par le Speaker, et les réponses étant, sauf dans certains cas exceptionnels, excessivement brèves : parfois, oui ou non. On m’assure aussi que je n’ai rien perdu comme intérêt. Quoi qu’il en soit, je n’ai rien entendu de tout cela. Je suis arrivé au moment où commençait ce qui est porté, au feuilleton, sous la rubrique de : Public Business. On n’est pas admis facilement. Il faut avoir une carte d’entrée portant le nom et la signature de la personne qui est votre garante. On vous fait inscrire votre nom et votre adresse sur un gros livre et signer un engagement de ne pas troubler l’ordre. Ces formalités remplies, j’ai pu pénétrer dans une tribune qui fait face au Speaker, qui a la largeur de la Chambre elle-même et qui est divisée en trois ou quatre compartimens, par des cloisons en bois à mi-hauteur. Chose singulière dans un pays où la vie parlementaire a autant d’importance, la place faite au public est beaucoup plus petite que chez nous. Le Corps diplomatique lui-même n’a qu’un seul banc, très court. Pour y arriver, les jours de grande séance, il faut jouer des coudes et souvent les places sont prises à l’avance par les représentans des plus petites Puissances. On ne voit qu’une partie de la Chambre qui est presque carrée ; on entend très mal, les orateurs parlant de leur place et souvent regardant le Speaker auquel ils sont censés s’adresser, c’est-à-dire tournant le dos à la tribune. Ils s’expriment à voix assez basse et je dois avouer humblement que dans ces conditions, bien qu’entendant assez bien l’anglais, je n’ai pas saisi la plupart du temps ce qui se passait, et n’ai