Page:Revue des Deux Mondes - 1913 - tome 16.djvu/592

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

avait beaucoup de charme sur un vieillard qu’elle soignait avec un dévouement quelque peu intéressé. On dit même que les héritiers naturels de sir John Scott, deux vieilles sœurs et un frère qui a poursuivi Lady Sackville de ses déclarations d’amour, ne se font aucune illusion sur leurs chances de gain, mais qu’ils ont voulu se venger en faisant du scandale. L’abondance, la précision, l’intimité des questions adressées à une femme, surtout dans un procès civil, ne seraient pas tolérées chez nous, où du reste les enquêtes ordonnées par le tribunal n’ont jamais lieu en public, mais dans le cabinet du juge.

Le second procès est plus anglais encore. Le fils aîné du marquis de Northampton, — je ne cite le nom que parce qu’il a paru dans toute la presse, — héritier de sa pairie par conséquent, avait, à l’âge de vingt-huit ans, promis mariage à une actrice assez connue, miss Daisy Markham, qui naguère encore jouait à Londres dans une petite pièce à succès. Le marquis s’est violemment opposé à ce mariage ; les femmes de la famille s’en sont mêlées ; désolé, le jeune homme, dans une lettre naïve et touchante qui a été lue aux débats, a informé l’actrice qu’il se voyait obligé de renoncer à l’épouser. Aussitôt, celle-ci a intenté un procès pour rupture de promesse de mariage. Au cours du procès, le marquis de Northampton est mort. Héritier de la pairie, du titre et en même temps d’une immense fortune, le nouveau marquis a voulu demeurer fidèle à l’engagement qu’il avait pris vis-à-vis de son père, mais il s’est tiré galamment d’affaire. D’après les précédens, le maximum des dommages-intérêts auxquels il pouvait être condamné était de 10 000 livres. C’est le tarif. Il a offert, comme transaction, 50 000 livres, soit 1 250 000 francs. Naturellement, l’offre a été acceptée. L’actrice ne sera pas marquise, mais elle a fait un bon marché et touché un joli dédit. Les amis du jeune marquis disent qu’il est très gentil, et qu’un jour ou l’autre, il fera, ce nonobstant, un très bon mariage. Je sais bien qu’on répète tout bas une autre explication de sa générosité, qui serait beaucoup moins à son honneur, mais je veux croire que c’est pure calomnie.

J’avais réservé mon après-midi du mercredi 2, pour assister à une séance de la Chambre des Communes. Je me promettais beaucoup d’intérêt de voir fonctionner la machine parlementaire anglaise. Je n’y ai qu’incomplètement réussi, moitié par maladresse, moitié par inexpérience. Je n’ai vu qu’une partie