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les termes, et, ce qui est plus curieux encore, c’est que M. Winston Churchill, le premier Lord de l’Amirauté, qui a été tout à fait étranger à cette triste affaire, non seulement est venu au banquet, mais a profité de cette occasion pour diriger contre les Unionistes les plus vives attaques, prenant à partie en particulier un de ses collègues qui porte un très grand nom anglais et lui appliquant des épithètes outrageantes qui, en France, auraient été certainement relevées le lendemain de la façon dont nous avons coutume de relever les outrages. Pour que les choses en soient arrivées là, entre deux hommes bien élevés, appartenant par leur origine au même monde, il faut que, du moins dans les milieux parlementaires, les passions soient singulièrement surexcitées, et il y a là quelque chose d’assez affligeant.

Les deux procès qui remplissent les journaux et font l’objet des conversations de tous les salons, sont bien anglais, au moins quant à la procédure suivie. Celui auquel Lord et surtout Lady Sackville sont intéressés se poursuit chaque jour devant une nombreuse et élégante assistance. Des femmes du monde très connues y assistent journellement. Lady Sackville a subi la torture de la cross examination, c’est-à-dire de l’interrogatoire par le conseil de l’adversaire, le juge n’intervenant que pour dire que telle ou telle question ne peut pas être posée. A un certain moment, comme il était donné lecture d’une lettre particulière adressée par elle à une amie qui avait livré cette lettre par trahison, elle éclata en sanglots, et l’audience dut être quelque temps suspendue. Le soir, il n’y avait pas un vendeur de journaux qui ne promenât une grande pancarte, sur laquelle était écrit en grosses lettres : « Interrogatoire de Lady Sackville. » L’une de ces pancartes portait même : « Lady Sackville en pleurs devant la Cour. » Je ne sais comment se terminera le procès qui se plaide devant un jury spécial, mais j’ai bien de la peine à croire que Lady Sackville le perde[1]. L’accusation portée contre elle d’avoir détruit un codicille trouvé dans un tiroir, qui aurait diminué considérablement le legs à elle fait par sir John Scott, est tombée dans l’eau, faute d’un commencement de preuve, et quant à l’influence illégitime — undue, — elle ne paraît pas avoir été autre que celle exercée par une femme qui

  1. Depuis que ces lignes ont été écrites. Lord et Lady Sackville ont en effet gagné leur procès.