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détention provisoire où il est possible en même temps d’exercer sur elles une influence moralisatrice, est mieux entendu et plus efficace ; mais c’est une trop grosse et difficile question pour que je veuille la traiter en passant.


Mardi, 1er ; mercredi, 2 juillet.

Les journaux de ces deux jours ont été très intéressans pour moi au point de vue politique intérieure et mœurs sociales anglaises. Ils contenaient un discours de M. Lloyd George et le récit de deux procès.

On sait les désagrémens qu’a causés à M. Lloyd George son achat intempestif d’actions de la Compagnie Américaine Marconi, filiale de la Compagnie Anglaise, avec laquelle un traité allait être conclu par le Gouvernement. Le Gouvernement, après un extrêmement beau discours de M. Balfour, qui était un programme de délicatesse pour les hommes d’Etat, a dû accepter un ordre du jour où la Chambre des Communes donnait acte à M. Lloyd George des regrets exprimés par lui, et, pour obtenir cet ordre du jour, ce dernier avait dû en quelque sorte plaider l’inconscience. Mais ses adversaires passionnés, et il en a, ce qui est fort naturel, après la campagne d’injures menée par lui il y a trois ans, contre les Lords, arguent de son langage même qu’il est singulièrement dangereux de laisser les finances de l’État aux mains d’un Chancelier de l’Echiquier contraint à de tels aveux. Aussi, sa situation personnelle est-elle très diminuée. On avait fort remarqué qu’il n’avait paru à aucune des fêtes données pour le Président, ni au diner du Foreign Office, ni au bal de Cour. On expliquait son absence en disant que ses nerfs étaient ébranlés et qu’il avait besoin de repos. Tout à coup, comme un diable sortant d’une boite, il a reparu à un luncheon que ses amis lui ont offert au National Liberal Club, et, payant d’aplomb, oubliant ses aveux, il s’est représenté comme la victime d’un complot ourdi contre lui par ses adversaires politiques. Il s’est même livré contre eux à des attaques dont la violence rappelle certain discours fameux prononcé par lui à l’ouverture de la période électorale de 1910.

Sir Rufus Isaac, l’Attorney général, qui avait été impliqué dans la même affaire et dont la responsabilité était plus grande, car il avait proposé à M. Llyod George cet achat malheureux, a abondé dans le même sens, bien qu’avec plus de mesure dans