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une partie de la maison, pour huit shillings dans une autre, elles sont logées et nourries. C’est la même destination et à peu près les mêmes prix que les maisons pour dames et jeunes filles fondées par la Société philanthropique ou par l’Association pour la protection des jeunes filles isolées. Mais c’est inférieur, très inférieur même, au moins comme dimensions, à la maison semblable que l’Armée du Salut possède à Paris. Rien donc d’intéressant.

De là, nous allons, dans la rue voisine, prendre, dans le très modeste petit appartement occupé par elles, les deux sisters que nous devons accompagner ce soir. Nous causons d’abord un instant dans un petit parloir. Aux murs, quelques gravures religieuses ; sur la table, des petits cartons sur lesquels sont imprimées les lignes suivantes, — je traduis littéralement : — « Mrs Booth sera heureuse de venir en aide ou de donner un conseil à toute femme ou jeune fille qui sentira le besoin d’une amie ; s’adresser à n’importe quelle heure... » Suivent deux adresses dans deux quartiers différens. La plus âgée des deux sisters paraît entre trente et quarante ans, l’autre est beaucoup plus jeune ; elles sont aussi peu jolies que possible. La plus âgée m’explique qu’elle vont se munir de ces petits cartons et tâcher de les faire prendre par les femmes qui paraîtraient disposées à les écouter. Si quelqu’une y paraissait disposée en effet, elles l’emmèneraient dans quelque rue écartée et tâcheraient, après l’avoir exhortée, d’obtenir d’elle la promesse qu’elle viendrait les voir chez elles ou qu’elle irait trouver Mrs Booth, la belle-fille du fameux général qui a fondé l’Armée du Salut. Parfois, les policemen leur viennent en aide. Comme presque tout le personnel auquel elles ont l’intention de s’adresser leur est connu, s’ils ont remarqué quelque femme, ou très jeune, ou qui parait incertaine et novice, ils la leur indiquent. « Mais, me dit mon major, d’autres se laissent au contraire corrompre, comme aux États-Unis , et fournissent à ceux qui en font commerce des recrues. » Est-ce vrai ? Je l’ignore et ne puis approfondir.

Nous convenons d’un ordre de marche. Nous suivrons les deux sisters à vingt pas, environ. Si elles lient conversation avec quelque femme, nous les dépasserons, pour voir à qui elles ont affaire, mais nous ne nous arrêterons pas, et, traversant la rue, nous irons nous poster de l’autre côté pour voir