Page:Revue des Deux Mondes - 1913 - tome 16.djvu/584

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

s’assoit également, quand il vient par extraordinaire, lord Rosebery, l’admirable orateur dont tout le monde regrette d’entendre aujourd’hui trop rarement la parole. Au fond, la tribune du public ; au-dessus, celle des journalistes ; à droite et à gauche courent des galeries qui sont les tribunes réservées. Cette salle ne rappelle au reste aucun grand souvenir. Elle n’a résonné ni de la voix de Brougham adjurant les Lords de ne pas rejeter le Bill de réforme, ni de celle de Sheridan accusant Warren Hastings, ni de celle de lord Chatham s’efforçant de faire rendre justice aux colons des futurs États-Unis . Le palais de Westminster ayant été incendié en 1835, elle est de construction récente.

A quatre heures un quart, le Lord Chancelier s’assoit sur le « Sac de Laine », qui n’est en réalité qu’un long canapé solidement rembourré avec un petit dossier au milieu. La perruque aux ailes tombantes sied mal au visage napoléonien de lord Haldane, qu’on appelait, quand il était ministre de la Guerre : Bonaparte Haldane. L’assistance est peu nombreuse : c’est à peine s’il y a cinquante membres. L’ordre du jour est au reste peu chargé et sans grand intérêt. Il comporte principalement une proposition contre les emprunts usuraires. Londres compte, à ce qu’il paraît, un assez grand nombre de prêteurs qui adressent des circulaires aux gens qu’ils supposent dans l’embarras pour leur offrir des avances qu’ils dissimulent sous des combinaisons ingénieuses, mais qui sont de véritables actes d’usure. Lord Newton, qui joua, il y a trois ans, un rôle assez considérable dans les discussions relatives au Parliament Act, a déposé un projet de loi pour réprimer ces actes. L’origine du dépôt de cette proposition est assez curieuse. Ces prêteurs s’adressent un peu à tout le monde, sans discernement. L’un d’eux eut la singulière idée d’adresser une circulaire à la fille de lord Newton qui possède cependant une énorme fortune et dont les enfans n’ont aucun besoin d’emprunter. La jeune fille était mineure ; l’offre à elle faite était un délit. L’usurier fut poursuivi et condamné. Mais lord Newton, en possession d’une pièce décisive, a déposé, dans l’intérêt général, une proposition réprimant ces tentatives, qui vient en seconde délibération. Il la soutient de sa place, — on sait qu’au Parlement anglais, il n’y a pas de tribune, — d’une façon très simple, sur le ton de la conversation. Un Lord l’appuie. Le Lord Chancelier se lève pour dire, en quelques mots très courts, que le Gouvernement accepte le Bill,