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même, triste, mais fière, résignée, pas abattue. Un rayon de soleil luit en ce moment sur sa vie. Puisse ce rayon être un présage propice !

J’ai passé une soirée très intéressante à visiter les bureaux du Daily Telegraph, un des plus importans, le plus important peut-être, des journaux unionistes de Londres.

L’histoire de ce journal est curieuse. Il a été fondé en 1853, par un israélite, M. Lévy. De ses descendans convertis, l’un est aujourd’hui membre de la Chambre des Lords, l’autre membre du Parlement où il représente un des quartiers les plus pauvres de Londres, Saint-George in the East. Le journal, qui est devenu une fortune, tire aujourd’hui à 230 000 exemplaires. Le très aimable correspondant de l’Écho de Paris à Londres m’en a ouvert l’accès. Je m’attendais à trouver beaucoup d’animation dans les bureaux de la rédaction. Tout est parfaitement calme. Sans doute, c’est aujourd’hui Dimanche et ne sont venus au journal que ceux qui y avaient à faire, mais mon guide m’assure que les services sont si bien organisés et répartis qu’il en est presque de même tous les jours. Au rez-de-chaussée, dans un vaste hall, dont le toit est soutenu par des colonnes en marbre, sont reçus les annonces et les abonnemens. Le journal compte au reste très peu d’abonnés directs, 4 ou 5 000 tout au plus. Le reste s’écoule par la vente au numéro, ou par les agences. Au premier et au second, sont les bureaux de rédaction. Les services sont très divisés : ici, la salle où se tiennent les rédacteurs chargés de faire un choix parmi les dépêches qui arrivent en grand nombre de l’étranger ; là, ceux qui trient au contraire les dépêches et les journaux de province ; ailleurs, ceux qui font le choix entre les matières et décident du plan et de la composition An journal. Les principaux rédacteurs ont leur cabinet particulier. Au troisième étage, sont installés les services télégraphiques. Un fil direct relie le journal avec son correspondant de Paris, un autre avec son correspondant de New-York ; des appareils récepteurs dévident, tout imprimées, les dépêches des différentes agences télégraphiques. Je remarque que l’employé préposé à la réception de ces bandes a une Bible ouverte devant lui. Quand je suis entré, il lisait les Nombres. Enfin, un ingénieux appareil, muni d’un crayon, permet de recevoir ou de transmettre sténographiquement les nouvelles qui arrivent du Parlement ou les instructions qu’il est nécessaire d’y faire