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raison, car l’élection de Leicester est une nouvelle preuve que la fortune du Cabinet est en baisse.


Dimanche. 29 juin.

Bourget, dont le talent est si varié et si souple, a écrit, dans ses Etudes et Portraits, une page délicieuse sur le Dimanche anglais. Cette page me revient aujourd’hui en mémoire. Il semble que, dans cette grande ville tumultueuse, un grand silence se soit fait. Peu de voitures, peu de monde dans les rues. Tous ceux qui ont pu quitter Londres, hier au soir, sont partis. Les passans qu’on rencontre vers onze heures vont, pour la plupart, à l’église. Ils ont mis leurs Sunday cloths et marchent d’un pas grave. Je vais à la messe, dans une petite chapelle toute proche de mon hôtel. C’est un édifice gothique fort élégant, soigné, luxueux même. Devant les bancs en bois s’étendent de petites banquettes en cuir rembourré. Les chaises volantes sont en jolie paille. Chaque place porte un numéro et un nom. Tout cela ne me plait pas : je trouve que cette chapelle a l’air trop individualiste, trop bourgeoise. Très démocrate en religion, j’aime avoir le sentiment que l’église appartient à tout le monde. L’assistance est peu nombreuse. Moins d’hommes que de femmes, mais tous très recueillis. Je note certains usages, qu’au reste je connaissais. On se tient debout pendant le Credo. On donne deux fois la communion, une fois avant la messe, une fois pendant. Une petite fille est si petite, que, pour être à la hauteur de la table de communion, elle est obligée de se tenir debout. Je m’assure ainsi que les directions du Saint-Père ont été suivies en Angleterre.

J’aurais eu la curiosité d’assister à un service non conformiste dans un temple qui m’avait été indiqué, mais on ne peut aller partout. L’après-midi, je me suis rendu à Richmond. Je manquerais à ce que je dois tout à la fois à mes souvenirs et à mes sentimens, si, à chacun de mes voyages en Angleterre, je n’allais rendre visite à la fille aînée du prince que j’ai aimé et servi et m’incliner devant la dignité avec laquelle elle porte la double auréole du malheur et de l’exil. Déjà je savais par des témoignages non suspects avec quelle grâce elle sort parfois de son deuil pour présider à des ventes ou à des fêtes de charité dont le produit est destiné à soulager des misères féminines ou enfantines. Je l’ai trouvée toujours la