Page:Revue des Deux Mondes - 1913 - tome 16.djvu/578

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

J’en suis réduit à me promener sur les terrasses de la vieille demeure féodale, en jouissant de la vue, qui est magnifique. Je peux cependant pénétrer dans la chapelle de Saint-George, qui contient le monument élevé à la mémoire du Prince Impérial, et j’assiste à la fin de l’office du soir. Les chants sont très beaux. Une fois de plus, je constate l’extraordinaire ou plutôt la très naturelle ressemblance avec nos offices catholiques. On se croirait à Complies.

Pour rafraîchir des souvenirs qui remontent à ma première enfance, je prends ensuite une voiture et me fais conduire à Virginia Water, à travers le parc de Windsor. Si le palais de Versailles l’emporte assurément sur celui de Windsor en beauté, je ne saurais cependant regretter les parterres. Cette avenue de trois milles de long, plantée d’une double rangée de vieux ormes, qui conduit au château, est vraiment admirable. J’aime cette nature en liberté, ces arbres aux troncs rugueux dont les branches s’élèvent en un dôme verdoyant, ces pins, ces fougères. Un magnifique ciel anglais, d’un bleu pâle, les met encore en valeur. Pourquoi faut-il que l’homme s’en mêle parfois et que l’œil soit choqué par des manques de goût. C’est ainsi qu’on aperçoit tout à coup, sur un monticule, et juchée sur un piédestal en rochers artificiels une statue équestre de ce pauvre fou que fut le roi George III, élevée à sa mémoire par son plus que médiocre fils, George IV. Plus loin, c’est une statue, équestre également, du Prince Consort, sur un socle en marbre blanc, entourée de maigres rhododendrons. Virginia Water n’est qu’un lac artificiel, créé par George III, pour assainir le pays et paraît un peu mesquin à un habitué du lac de Genève, bien que les grands arbres qui baignent leurs branches dans ses eaux lui donnent un certain charme. Mais cette large campagne anglaise, à la fois luxuriante et paisible, est d’un grand attrait, et je rentre enchanté de mon après-midi.

J’allais oublier l’élection de Leicester. Le candidat libéral est nommé, mais avec une majorité réduite : 1 500 voix seulement au lieu des 4 000 de l’élection dernière. Le gain est tout entier du côté du candidat conservateur. Les socialistes se sont divisés. Une partie a voté pour son candidat. L’autre a obéi aux injonctions du Comité de Londres. Aussi les journaux des deux partis chantent-ils victoire ; mais la joie des conservateurs me paraît plus sincère que celle des libéraux, et ils semblent avoir