Entretenus avec un soin pieux, ces portraits, dont quelques-uns sont de magnifiques œuvres d’art, rappellent toutes les gloires de la France ; tout en les admirant, je me demandais avec tristesse et même un peu d’amertume comment un pays qui avait eu à son service une pareille famille n’avait pas su la conserver, et comment il se pouvait faire que de telles reliques ne fussent tout à fait en sûreté que sur une terre étrangère.
Revenu de ce pieux pèlerinage, je comptais finir la soirée en allant me mêler aux badauds de Londres, me camper sur le trottoir en face de Buckingham Palace et voir passer les voitures de gala qui devaient conduire mon confrère, M. Poincaré, au bal de la Cour. La foule m’intéresse plus que les fêtes officielles. Une pluie anglaise, qui tombait avec une douceur persistante, m’a détourné de ce projet. J’ai passé ma soirée à lire les journaux. Ils ne sont guère remplis que de la visite du Président. J’y trouve la confirmation de ce qui m’avait été déjà dit de son extraordinaire succès personnel. Il a été véritablement acclamé, principalement dans la Cité, le cœur de Londres. On lui a su gré de sa dignité, de sa tenue, d’un peu de froideur, qui n’est pas pour déplaire aux Anglais quand elle est tempérée par la bonne grâce. Ce qui a surtout frappé les gens coutumiers de ces sortes de réceptions, c’est qu’il ait pu prononcer, dans la même journée, neuf discours, d’une inégale importance, mais tous appropriés et bien tournés, dont les plus importans étaient assurément préparés, sans consulter une note. Le message au peuple a beaucoup plu. Je me réjouis patriotiquement de ce succès, et je vais prendre du repos.
Vendredi, 27 juin.
Les journaux de ce matin consacrent encore de nombreuses colonnes au Président de la République et à l’emploi de son temps hier. Ils racontent sa visite à Windsor, puis au Horse Show, où, font-ils observer, la Triple Entente a triomphé, un Russe, un Anglais et un Français étant arrivés premiers. Ils décrivent également le diner au Foreign Office et le bal de Cour, qui fut, parait-il, fort brillant.
Le Président part ce matin de Victoria Station. Je compte aller, toujours en badaud, assister à son départ qui doit avoir lieu à dix heures. Je quitte mon hôtel de bonne heure, m’attendant à beaucoup de foule et tenant à bien voir. J’arrive aisément