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compromettre l’armée, dernière ressource du pays. Il ajouta que le maréchal était libre de faire toutes les mutations qu’il croirait nécessaires, que ces mutations seraient approuvées ultérieurement. Il chargea Magnan de ramener au grand quartier général de Metz les chefs de service, entre autres le baron Larrey, son docteur en chef, et l’abbé Métairie, aumônier en chef de l’armée. Il donna l’ordre, en outre, que deux trains de munitions fussent mis à sa disposition et dirigés sur la ligne des Ardennes.

En sortant du cabinet de l’Empereur, Magnan alla porter les mêmes renseignemens à Mac Mahon. Comme il exprimait l’espoir de voir les deux armées réunies, Mac Mahon lui dit qu’il avait été décidé qu’il n’y aurait qu’un commandant en chef, que ce commandant serait Bazaine, et que, le jour où les deux armées seraient réunies, Bazaine trouverait en lui le lieutenant le plus dévoué ; que les troupes qui s’organisaient au camp de Châlons étaient loin de se trouver dans de bonnes conditions de guerre ; il lui montra des détachemens qui se rendaient à la cible pour la première fois. Il lui apprit qu’il allait quitter Châlons, mauvaise position militaire, et qu’on le retrouverait sur les hauteurs entre Reims et Soissons. Magnan quitta Châlons pour Thionville à midi.


Le dernier acte de chef d’Etat de l’Empereur fut d’envoyer le prince Napoléon en mission en Italie. Le 19 août au matin, il entra dans la baraque du prince et lui dit : « Les affaires vont mal. Tu ne m’es d’aucune utilité auprès de moi ; une seule chance peu probable, mais cependant possible, serait décisive, c’est que l’Italie, se prononçant pour la France, déclare la guerre et tâche d’entraîner l’Autriche. Personne n’est mieux indiqué que toi pour cette mission près de ton beau-père et de l’Italie. Il faut que tu partes tout de suite pour Florence. J’écris au Roi, voici ma lettre. »

Le premier mouvement du prince fut l’étonnement ; il résista ; son désir était de partager jusqu’au bout le sort de nos soldats. Il fit observer qu’il lui paraissait peu probable d’obtenir la coopération active immédiate de l’Italie et encore moins de l’Autriche ; que, personnellement, sans responsabilité directe dans les événemens, son vœu était de rester à l’armée auprès de son cousin. L’Empereur insista, faisant surtout valoir son inutilité