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jours du gouvernement impérial. Mérimée, qui entendait les propos intimes, écrivait à son ami Panizzi : « Je ne doute pas que l’Empereur se fasse tuer, car il ne peut rentrer ici que vainqueur et une victoire est impossible (11 août). » Mais l’Empereur ne se crut pas obligé de sanctionner par son suicide matériel le suicide moral auquel on l’avait condamné, et il ne voulut pas deviner le désir qu’on n’osait pas lui exprimer.


VI

Cependant, le 18 août, il oublie qu’il n’est plus chef souverain de l’armée et de l’Etat, et il fait encore deux actes, l’un de chef militaire, l’autre de chef du gouvernement. Le commandant Magnan, arrivé en bourgeois à dix heures et demie, vient lui communiquer les dépêches de Bazaine dont il était porteur et compléter ses renseignemens en exposant la situation de l’armée. Il dit que la bataille de Rezonville, quelque honorable qu’elle eût été pour nos armes, ne nous avait pas rendus maîtres des plateaux et nous avait fermé la route directe de Verdun dont Mars-la-Tour est la clef ; que le maréchal allait s’élever vers le Nord, et, par la route de Briey encore libre, essayer de gagner soit Verdun même, en tournant la position de Fresnes et d’Haudimont, soit un point quelconque de la Meuse en s’appuyant sur la ligne de Charleville à Thionville. Il expliqua ensuite le mouvement vers Metz, opéré dans la journée du 17, par la nécessité de remettre un peu d’ordre dans son armée fortement désorganisée par le choc de la veille, de reconstituer son corps de combat, d’envoyer les blessés dans Metz, de licencier une partie des voitures qui alourdissaient sa marche, de mettre trois ou quatre jours de vivres dans le sac des hommes, de se réapprovisionner en munitions. Il demanda enfin, au nom du maréchal, autorisation de faire des mutations dans le haut personnel de l’armée ; notamment de remplacer le général Jarras par le général de Cissey, envers lequel le maréchal avait pris des engagemens avant son départ de Paris.

L’Empereur chargea Magnan de dire qu’il approuvait cette marche vers le Nord par Briey et que là Bazaine resterait maître de régler ses mouvemens selon les circonstances, puisqu’il s’était dessaisi du commandement entre ses mains ; qu’il lui recommandait seulement d’agir avec prudence et de ne pas