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de garde de Paris et des quatre mille sergens de ville, d’un courage et d’un dévouement à toute épreuve. Par l’état de siège, on était maître de la presse : il ne restait vraiment qu’un centre insurrectionnel, la Chambre : il était aisé de la renvoyer par décret.

Combien il est à déplorer que, s’absorbant dans la lecture de rapports de police qui la démoralisaient, l’Impératrice n’eût pas recherché le contact de la population, qui l’eût rassurée ! Elle en eut le 15 août une occasion qu’elle ne sut pas saisir. Un préfet de l’Empire, Janvier de la Motte, surnommé le Père des Pompiers, avait eu l’idée baroque d’encombrer Paris des pompiers de France. Trochu, plus sensé, renvoya chez eux ces pauvres militaires, fort dépaysés dans la capitale, où ils n’auraient été que des bouches inutiles.

Le 15 août, ils étaient encore là. À la nuit, ils se rassemblèrent sur la place de la Concorde pour saluer l’Impératrice de leurs fanfares. L’Impératrice, pâle et silencieuse, la tête enveloppée d’une dentelle blanche, s’acheminait lentement, suivie d’un petit groupe, à travers les grands massifs des marronniers, alors fermés au public. Si elle avait entendu ces fanfares comme un appel que le cœur du peuple de France lui adressait ; si elle s’était avancée en sa noble allure, au milieu de ces braves gens, leur avait adressé quelques-unes de ces paroles éloquentes qu’elle savait trouver, elle eût été acclamée, bénie, exaltée, et, le lendemain, la France eût tressailli. Elle n’entendit pas. Les sonneries amies lui parurent une menace ; elle ressentit une commotion de douleur et rentra précipitamment. La masse du palais se détachait sur un ciel embrasé. « Voyez, dit-elle, on dirait que les Tuileries sont en flammes[1]. »

Ah ! si elle s’était montrée dans les rues de Paris, à cheval, allant aux forts et aux remparts, quel enthousiasme elle eût excité ! Il se serait formé autour d’elle un rempart ardent de fanatiques sympathies, contre lequel n’aurait osé protester une minorité que cette audace aurait déconcertée. Elle se fût convaincue que l’Empereur ne courait aucun danger au milieu de la population de Paris et que son arrivée, préparée par une proclamation de Trochu, le général populaire, n’eût pas déchaîné une révolution.

Le général Fleury, observateur avisé qui, depuis le

  1. Mme Carette, t. II, p. 185.