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en criant : « Trahison ! trahison ! vive la république ! »

Ils avaient cru soulever la population : ils l’exaspérèrent. « Non seulement pas un mot, pas un geste ne répondit à leurs excitations, » mais de toutes parts les citoyens accoururent pour les arrêter et les livrer à la police. Au moment où des voitures emportaient les victimes de leur dévouement au devoir, la foule, croyant que c’étaient des émeutiers blessés, les arrêta et voulut faire justice elle-même. Quand on lui dit que c’étaient des agens de police, elle se découvrit.

Le caractère républicain de la tentative résultait clairement du fait lui-même. Devant le Conseil de guerre qui les condamna à mort, Eudes et ses complices l’avouèrent nettement. Néanmoins Gambetta et Jules Favre, tant la répulsion du peuple était violente, crurent nécessaire de désavouer leurs complices et affectèrent de voir un acte d’espionnage prussien dans le coup de main avorté : ce qu’ils démentirent eux-mêmes après le 4 septembre, en mettant en liberté Eudes et ses complices, tant il les considéraient peu comme des espions prussiens !

La démonstration était faite : la population de Paris ne voulait pas de mouvement révolutionnaire ; elle n’était pas avec les anarchistes. « Cette deuxième tentative insurrectionnelle n’avait pas été plus heureuse que celle du 9 août ; elle prouva une fois de plus la facilité avec laquelle on avait raison des perturbateurs, lorsqu’on marchait à eux avec résolution et énergie, et lorsque les autorités chargées de concourir au maintien de la paix publique étaient animées des mêmes sentimens et des mêmes pensées[1]. » La province ne sentait pas différemment. Des poignées d’agitateurs à Lyon, à Marseille, à Bordeaux, fidèles au mot d’ordre venu de Paris, essayaient de soulever les populations ; ils n’y réussissaient pas. Même dans certaines portions du pays, ces manœuvres avaient produit une telle irritation, qu’un propriétaire de la Dordogne, accusé par les uns d’être un espion de la Prusse, par les autres d’être un ennemi de l’Empereur, avait été saisi et brûlé vif.

Les terreurs de la police, de la Régence et des ministres étaient pusillanimes. On eût réprimé une nouvelle tentative de désordre si elle eût osé se produire, sans qu’il fût même nécessaire de requérir l’armée. Il eût suffi des deux superbes régimens

  1. Déposition de Piétri dans l’Enquête parlementaire sur le 4 septembre.