Trochu se montra très déférent ; il donna l’assurance qu’il ne serait pas un compétiteur, qu’il serait seulement gouverneur de Paris, que le ministre garderait la direction de ce qui existait en fait d’armée. Palikao, néanmoins, multiplia les objections : le titre de gouverneur avait été supprimé depuis 1830 ; il n’existait plus que des commandans en chef, la nomination, n’ayant pas été soumise au Conseil, n’était pas constitutionnelle. Il ne se rendit qu’aux instances réitérées de Chevreau au nom de l’Impératrice, et il contresigna le décret.
Il ne partagea pas les inquiétudes que la présence des mobiles inspirait au ministre de l’Intérieur et à l’Impératrice[1]. Il prétendit que ces jeunes gens, animés de sentimens libéraux et patriotiques, ne donneraient lieu à aucune plainte ; il les connaissait, il leur avait parlé, il leur parlerait encore ; il en répondait ! Il éprouvait la même sécurité que Trochu.
Les Gardes mobiles arrivèrent le 18 août dans la soirée. On les installa tant bien que mal au camp de Saint-Maur et le nouveau gouverneur alla, dès le lendemain matin, les passer en revue. Accueilli avec enthousiasme, il revint grisé d’orgueil. Une proclamation à leur adresse, qu’il envoya au ministre de l’Intérieur pour être insérée au Journal Officiel, contenait la phrase suivante : « Enfans de Paris, je vous ai ramenés à Paris, pour défendre Paris, comme c’est votre devoir, comme c’est votre droit. » Cette phrase parut au ministre une flagornerie indigne et une contradiction avec ce qu’il essayait de réaliser ailleurs : si on reconnaissait aux mobiles de Paris le droit de rester dans leurs foyers, les mobiles des départemens ne pourraient-ils pas dire : Laissez-nous dans les nôtres, pour les défendre, comme c’est notre devoir, comme c’est notre droit ? Léon Chevreau, frère du ministre, courut chez Trochu. Le général Schmitt comprit la justesse de ses observations, les reporta et revint dire qu’on bifferait la phrase qui avait offusqué. La suppression fut faite au Journal officiel, mais le journal le Siècle en avait reçu une copie manuscrite. Il la publia in extenso et Trochu eut ainsi le mérite de l’obéissance en gagnant la faveur de la popularité.
- ↑ Souvenirs inédits de Léon Chevreau.