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l’Empereur et aux mots nommé gouverneur de Paris, ajouter par l’Empereur ; mais la consigne était de ne plus prononcer le nom de l’Empereur qu’on se préparait à déposer, et on ne demanda pas au général Trochu, ce qui eût été facile, de le rétablir sous une autre forme. La proclamation fut approuvée et remise au ministre de l’Intérieur, afin qu’il la fit afficher dans Paris et, tout ayant été ainsi réglé, l’Impératrice dit à Chevreau : « Maintenant, il faut que le décret paraisse et paraisse demain matin ; il n’y a aucune crainte à avoir. Allez vous-même chez le général de Palikao, dites-lui ce que vous venez d’entendre et demandez-lui en mon nom son contre-seing. »

Quand Trochu, Jurien et Chevreau furent sortis du cabinet de l’Impératrice, le général Schmitt, qui attendait dans le salon, présenta ses respects. Le général, ancien officier d’ordonnance de l’Empereur, était fort bien en cour et particulièrement agréable à l’Impératrice, qu’il avait tenue, par ses lettres, au courant des péripéties de l’expédition de Chine. Aussi une conversation confiante s’engagea entre la souveraine et lui : « Nous venons, dit-il, de faire une bonne chose, en nommant le général Trochu gouverneur de Paris et en faisant rentrer l’Empereur. — Oh ! ne me parlez pas ainsi, dit-elle ; l’Empereur ne rentrera jamais à Paris. — Est-ce qu’il n’a pas été décidé que l’Empereur rentrera à Paris ? — C’est impossible ; il faut qu’il reste à l’armée. — Remarquez, observa le général, que la situation de l’Empereur n’est pas celle d’un simple officier ; qu’est-ce qu’il fera à l’armée ? — Non, s’écria l’Impératrice, jamais l’Empereur ne rentrera ; je ne veux pas qu’il rentre ; je lui ai fait dire que je ne le voulais pas, d’ailleurs il ne le pourrait pas. — Je vous demande pardon, le général Trochu va lancer une proclamation et, grâce aux combinaisons qui ont été arrêtées, l’Empereur pourra rentrer. — Tout cela est abandonné, » répéta la Régente, et le général la quitta désolé.

Palikao accueillit encore plus mal que l’Impératrice la venue de Trochu : il lui en voulait d’avoir démontré l’insanité de son plan et de l’avoir fait rejeter ; il pressentait une influence contraire à la sienne et peut-être plus agréable à l’opinion publique, qu’il caressait lui aussi. « Votre nomination, dit-il, augmente encore mes difficultés et, si je ne craignais qu’une révolution n’éclatât aujourd’hui, je donnerais ma démission. »