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les lois d’exil, j’aurais été le premier à applaudir ; mais, aujourd’hui, vous ne pouvez pas rappeler les princes d’Orléans sans disparaître vous-même. »

Trochu, après ce court incident, expliqua l’objet de sa mission et le plan qui avait été adopté ; il annonça qu’il précédait l’Empereur de quelques heures et qu’il le devançait pour l’annoncer à la population. L’Impératrice se révolta : « Non, l’Empereur ne rentrera pas à Paris ; il n’y rentrerait pas vivant. Les hommes qui ont conseillé à l’Empereur de rentrer à Paris sont ses ennemis. — Alors, madame, lui répondit Trochu, le prince Napoléon et moi, et tous les conseillers dont l’Empereur s’est entouré à Châlons, nous sommes les ennemis de l’Empereur. » Et il développa avec feu les raisons de son opinion : le retour à Paris était un acte de virilité gouvernementale qui ne pouvait exciter une révolution. Il montra sous les couleurs les plus sombres l’état de l’armée de Mac Mahon et l’impossibilité morale et matérielle dans laquelle elle était de se soustraire aux périls auxquels on s’exposait si elle ne revenait pas sous Paris. « Mais, dit l’Impératrice, il y a une dépêche que vous ne connaissez pas ; c’est celle que nous venons de recevoir du maréchal Bazaine ; le maréchal est victorieux à Rezonville ; nous avons la nouvelle de la grande bataille, » de la mémorable bataille du 16 août. Elle la lui montra. « Le maréchal Bazaine est victorieux, dit Trochu, c’est vrai, mais cependant il est arrêté, et cette victoire ne suffit pas pour qu’on révoque la détermination prise. »

L’Impératrice affirma de nouveau que l’Empereur ne reviendrait pas. Trochu n’insista plus, et il accepta la mission de défendre Paris sans l’Empereur. Il rassura l’Impératrice sur le retour des mobiles : ils avaient à leur tête un général digne de toute confiance, qui saurait les instruire et les guérir de leurs habitudes d’indiscipline. Il donna enfin les assurances les plus formelles de dévouement. « Vous pouvez le croire, dit l’amiral Jurien, c’est le plus honnête homme que je connaisse ; il tiendra ce qu’il promet. » Alors Trochu donna lecture de la proclamation qu’il avait préparée. À ces mots, nommé par l’Empereur que je précède de quelques heures, l’Impératrice interrompit et dit : « Il faut retrancher cette phrase, elle ne serait pas exacte, puisque l’Empereur ne revient pas. »

Trochu retrancha la phrase. Tout en n’annonçant pas un retour qui ne s’opérait plus, on eût pu maintenir le nom de