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déconvenue du matin, plein d’ardeur et très décidé à servir loyalement et vigoureusement l’Empereur. En route, il avait rédigé sur ses genoux une proclamation aux habitans de Paris annonçant sa nomination. Il en donna lecture au général Schmitt. À ces mots : « Je suis nommé gouverneur de Paris, » le général l’arrêta : « Pardon, mon général, vous venez de recevoir voire nomination de l’Empereur, il me semble qu’il faut faire figurer son nom dans votre proclamation. — C’est trop juste, » répondit Trochu et immédiatement, prenant son crayon, il raya la première phrase : « L’Empereur m’a nommé gouverneur de Paris. »

À son arrivée à Paris, vers minuit, il ne descendit pas au Ministère de la Guerre ; il se rendit au Ministère de l’Intérieur, afin de communiquer au ministre chargé du Journal Officiel son décret de nomination et le prier de le publier dès le lendemain matin. Chevreau, surpris de cette communication, répondit qu’il reconnaissait l’écriture de l’Empereur, mais qu’il lui paraissait difficile de publier son décret avant d’avoir entretenu ses collègues ; le Conseil des ministres se réunissant tous les jours, il lui ferait part dès le lendemain de cette nouvelle ; c’était un retard de vingt-quatre heures sans importance. Le général répondit qu’il était indispensable que sa nomination parût immédiatement, qu’il ne précédait l’Empereur que de quelques heures.

Chevreau objecta qu’aucun décret ne pouvait être publié sans être contresigné par un ministre et que, dans la circonstance, la signature nécessaire était celle du ministre de la Guerre ; que d’ailleurs, avant toute chose, il lui paraissait urgent de prendre les ordres de l’Impératrice régente. On se rendit donc aussitôt aux Tuileries. Jurien de la Gravière, qui était de service, fit avertir la Régente. Chevreau et Jurien précédèrent Trochu auprès d’elle. Elle paraissait fort émue et contrariée. Ils la supplièrent de maîtriser ses sentimens et de bien accueillir le général. « Il tient notre sort entre ses mains, dirent-ils ; efforcez-vous de le gagner. — Embrassez-le, » dit l’amiral. L’Impératrice fut loin de l’embrasser. Elle le reçut d’abord mal. Un de ses premiers mots fut une allusion à brûle-pourpoint à ses prétendues opinions orléanistes : « Ne faut-il pas rappeler les princes d’Orléans ? » — Madame, répondit Trochu, il y a quelques mois, s’il eût été question d’abroger