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ferai tuer auprès de lui, » dit-il. « Et je ne doute pas qu’il ne l’eût fait, » m’a dit le prince. « Tout cela est bon, dit l’Empereur ail prince demeuré auprès de lui, il faut savoir maintenant ce qu’on ira faire à Paris. Rédige-moi une note. — Soit, je vous la porterai tantôt. — Non, je te ferai appeler, car, avant de rien exécuter, il est nécessaire que je consulte l’Impératrice. » Il écrivit à celle-ci le détail de ce qui avait été arrêté par une lettre confiée au commandant Duperré et le lui annonça sommairement par télégramme. Le prince, de son côté, était allé rédiger son plan. On serait parti à cinq heures du soir avec deux bataillons, l’un de la Garde, l’autre de l’infanterie de marine ; on se dirigerait sur Saint-Cloud où l’on s’installerait à trois heures du matin ; on placerait les deux bataillons avec mitraille sur le pont de Saint-Cloud ; on convoquerait les ministres ; on demanderait la dictature au Corps législatif et, s’il ne la voulait pas pour l’Empereur, pour son fils, avec l’institution d’une régence ; Mac Mahon se replierait lentement sur Paris, en bataillant, par les places du Nord.

Ce plan, sauf l’idée détestable de l’abdication, était semblable à celui que Chevandier et moi avions arrêté dans la nuit du 7 au 8 août. Comme le nôtre, il eût été le salut ; comme le nôtre, il fut aveuglément repoussé. L’Impératrice télégraphia impérativement à l’Empereur qu’il ne pouvait rentrer à Paris. Visant le prince Napoléon dont elle soupçonnait l’intervention : « Ne pensez pas, écrivait-elle, à revenir ici si vous ne voulez déchaîner une épouvantable révolution. C’est l’avis de Rouher et de Chevreau que j’ai vus ce matin. On dirait ici que vous quittez l’armée parce que vous fuyez le danger. N’oubliez pas comme a pesé sur toute la vie du prince Napoléon son départ de l’armée de Crimée. »


III

Vers deux heures, l’Empereur fit appeler le prince et, d’un air triste et embarrassé, il lui dit : « Je ne puis rentrer à Paris ; l’Impératrice, qui a de la tête et du courage, m’a répondu que ma situation ne serait pas tenable. » Puis, après un instant de silence, il ajouta, les yeux pleins de larmes : « La vérité est qu’on me chasse : on ne veut pas de moi à l’armée ; on n’en veut pas à Paris. Va dire cela à Trochu. »