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il serait dangereux d’envoyer un renfort aux révolutionnaires. » Le général Berthaut proposa alors de diriger l’élément sain sur Paris, et sur les places du Nord, les bataillons de mobiles de Belleville, de Ménilmontant et de Montmartre. L’Empereur fit remarquer le danger d’une telle distinction : il y aurait plus de péril à faire un pareil triage qu’à tenter tout simplement le retour de tous à Paris : « On dira que nous avons fait un choix blessant pour les faubourgs en ne renvoyant que des bataillons d’aristocrates. Où qu’ils aillent, il est mieux qu’ils soient tous ensemble. » On décida donc que les mobiles seraient dirigés tous ensemble sur les places du Nord, d’où, après qu’ils auraient été armés et instruits, on les ramènerait à Paris pour défendre leurs foyers. Le prince Napoléon, sans perdre un instant, dans la crainte que les scrupules de forme ne reprissent leur influence sur l’esprit de l’Empereur, se retira dans la baraque du général Schmitt, et rédigea le programme. Il en revint très vite avec les ordres suivans :

1° D’abord une lettre de l’Empereur à Trochu : « Mon cher général, je vous nomme gouverneur de Paris et commandant en chef de toutes les forces chargées de pouvoir à la défense de la capitale. Dès mon arrivée à Paris, vous recevrez notification du décret qui vous investit de ces fonctions ; mais d’ici là, prenez sans délai toutes les dispositions nécessaires pour accomplir votre mission. Recevez, mon cher général, l’assurance de mes sentimens d’amitié. »

2° Un ordre de service général précisa la mission du général Trochu : « Le général Trochu, nommé gouverneur et commandant en chef, partira immédiatement pour Paris. Il y précédera l’Empereur de quelques heures. Le maréchal de Mac Mahon fera ses dispositions pour se diriger avec son armée sur Paris. » Ces propositions furent admises. On discuta sur la direction que suivraient les troupes. Une carte était étendue sur une table devant l’Empereur. Schmitt préférait la ligne traditionnelle de Verdun, Champaubert et Montmirail ; le maréchal aimait la direction de Reims et Soissons, sans toutefois s’y arrêter définitivement : il se fixerait, dit-il, après avoir étudié le terrain.

La conduite de Trochu dans cette circonstance fut aussi haute qu’elle avait été misérable dans la nuit du 6 août et le 8 dans la journée. Il quitta l’Empereur plein d’entrain : « Je me