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Le prince Napoléon s’enquit du général Trochu. Il s’adressa à son chef d’état-major Schmitt, qui ne put lui dire où il était. Évidemment, il se renseignait. À six heures du matin, le 17 août, le prince Napoléon est éveillé, par le général accompagné de Mac Mahon et Schmitt. Avant d’aborder l’Empereur auquel ils n’osaient dévoiler toute leur pensée, ils venaient s’entendre avec le prince. On débuta par quelques explications sur le passé, qui ne furent pas longues. Le prince commençant à récriminer sur Wœrth, Mac Mahon l’interrompit brusquement : « Oui, j’ai fait une bêtise d’accepter la bataille, mais laissez-moi tranquille. » Ainsi fut-il fait, et la conversation s’ouvrit sur le parti qu’il convenait d’adopter dans les circonstances présentes.

Il paraissait impossible au prince que l’Empereur, qui venait de quitter le commandement de l’armée de Metz, prît celui de l’armée de Châlons. Mais il lui paraissait encore plus inacceptable que, n’étant plus le chef suprême de l’armée, il continuât à y rester. C’eût été, à la fois, s’amoindrir et gêner l’action du nouveau général en chef. « Figurez-vous, disait-il, dans son langage familier, un général en chef pour qui toutes les responsabilités se compliquent d’une autre responsabilité, celle d’assurer le sort du souverain. Autant aller au combat avec une soupière pleine sur la tête et la défense d’en répandre une goutte. » L’Empereur avait abandonné le gouvernement en allant prendre le commandement de ses troupes : ayant renoncé à ce commandement, il ne lui restait plus, à moins d’abdiquer, qu’à reprendre, d’une main ferme, le gouvernail de l’État à Paris.

Le prince admit également que l’armée ne saurait être maintenue sans périls à Châlons : la place était ouverte, à deux journées de la cavalerie de l’ennemi, à portée d’une surprise, c’était une position bonne pour l’offensive, nullement pour la défensive ; si l’ennemi poussait quelques pointes audacieuses, on serait exposé à un désastre. La véritable destination de l’armée devait être de couvrir Paris et d’offrir des cadres préparés aux renforts qui allaient arriver de tous les côtés. Trochu et Mac Mahon se rallièrent à ces vues, dans lesquelles le prince révélait la supériorité d’une intelligence de premier ordre et la perspicacité d’un véritable homme d’État.

Il fut donc convenu qu’on proposerait à l’Empereur de rentrer à Paris, tandis que Mac Mahon y conduirait l’armée. Afin