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bonnes conditions : le Gouvernement et la Commission continuent de défendre le projet de loi de trois ans avec énergie, avec éloquence, avec succès. La discussion semblait épuisée, il y a quinze jours : elle a cependant recommencé, avec une grande puissance dans l’attaque et dans la défense, à propos de l’amendement ou plutôt du contre-projet de MM. Messimy et Paul-Boncour. C’est, on le savait, autour de ce projet que l’opposition devait donner son plus grand effort. Elle avait renoncé, en effet, à faire repousser purement et simplement le projet du gouvernement, parce qu’elle avait désespéré d’y réussir ; elle reconnaissait elle-même, soit par tactique, soit par conviction, qu’il y avait quelque chose à faire ; mais, demandait-elle, ne pouvait-on pas faire moins que ce que proposait le gouvernement ? Était-on vraiment obligé d’imposer au pays le service de trois ans ? Deux ans et demi, un peu plus, un peu moins, ne suffisaient-ils pas ? Et on donnait des chiffres ! Et on s’y perdait !

C’est le système de la rallonge, baptisé de ce nom par M. Caillaux. Il a été soutenu, avec habileté et avec talent, par ses deux auteurs, mais il a été combattu par la Commission et par le Gouvernement avec un plein succès. M. Adrien de Montebello, vice-président de la Commission, a parlé avec une puissance d’argumentation qui a frappé la Chambre et avec une émotion qu’elle a partagée. Son argument principal, qui a été très simple, n’en a été que plus probant. En maintenant la classe de 1910 sous les drapeaux pendant six mois, ou pendant cinq, ou pendant quatre, sans doute on conjure, au cours de l’hiver, le danger auquel nous exposerait notre infériorité numérique à l’égard de l’Allemagne, mais cette infériorité se retrouverait tout entière au printemps. — Nous voulons, nous, a dit M. de Montebello, conjurer le danger pendant toute l’année. — Et, en effet, ce danger n’est pas moins grand au printemps qu’en automne ou en hiver : probablement même il l’est davantage. M. de Montebello a rappelé les illusions éprouvées et les erreurs commises par l’opposition à la fin de l’Empire, lorsqu’on discutait comme aujourd’hui une loi militaire, et il a dit que la génération de cette époque les avait pleurées plus tard en larmes de sang. Que la génération actuelle n’y retombe pas : elle n’aurait pas les mêmes excuses et elle aurait les mêmes remords ! Le projet Messimy-Paul Boncour a été repoussé par 46 voix : quelques jours après, l’article essentiel de celui du Gouvernement et de la Commission a été adopté par 116. La loi réunira donc une grande majorité. Il est fâcheux seulement que, par un vote inconsidéré qui impose à tous les Français valides le service de trois ans égal et effectif, la