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son ampleur même, annonce une ambition que la cession de quelques lambeaux de territoire ne rassasiera pas.

On accuse l’Autriche d’avoir poussé les pays balkaniques les uns contre les autres et, comme on dit, d’avoir troublé l’eau pour y mieux pêcher. On accuse aussi la Roumanie d’avoir des desseins secrets. Nous ignorons les dessous de la politique autrichienne, mais ce dont nous sommes bien convaincus, c’est qu’elle n’avait nul besoin d’exciter les peuples balkaniques pour qu’ils entrassent effectivement en conflit. La difficulté était de les retenir et non pas de les pousser à la violence : si l’Autriche les y a poussés, elle s’est donné une peine assez inutile. Pour ce qui est de la Roumanie, nous avons expliqué sa politique ; elle est d’une limpidité parfaite. Rien ne prouve que l’Autriche ni surtout que la Roumanie aient jeté de propos délibéré des germes de discorde dans les Balkans : il y en avait en abondance, ils ne demandaient qu’à se développer. Mais si l’Autriche et la Roumanie profitent, ou cherchent à profiter des occasions qu’on leur donne avec une inconsciente légèreté, nous dirons franchement que rien n’est plus naturel. La faute n’en est pas à elles : elle est aux pays balkaniques eux-mêmes et plus particulièrement à la Bulgarie.

Tout le monde n’a pas ici, et pour cause, le même désintéressement que la France et, d’une manière plus générale, que les pays de la Triple Entente. L’Angleterre pratique la même politique que nous et y a le même mérite ; la Russie y en a un encore plus grand, car elle a de vieux et de grands intérêts dans les Balkans ; mais si elle ne peut pas renoncer à ces intérêts, elle les a du moins toujours mis d’accord avec les intérêts généraux, c’est-à-dire avec ceux de la paix. Rien de plus généreux que la spontanéité avec laquelle elle a proposé son arbitrage : que ne l’a-t-on accepté ? Nous espérons qu’on y reviendra un jour, sous une forme ou sous une autre, et que ce jour est prochain ; mais il y aura eu du temps perdu et du sang versé. Il y aura eu enfin, ce qui est plus grave, un immense scandale donné au monde et une atteinte criminelle portée à la conscience de l’humanité.


L’intérêt, l’importance des événemens d’Orient ne doivent pas nous détourner de notre politique intérieure dont les incidens ne manquent non plus ni d’importance ni d’intérêt. La place nous fait malheureusement défaut pour en parler aujourd’hui comme nous le voudrions. Contentons-nous de dire que, malgré quelques défaillances de détail, la discussion de la loi militaire se poursuit à la Chambre dans de