Freytag de ses rencontres avec le grand-duc de Cobourg-Gotha et d’autres grands personnages, ce sont les allusions du vieux romancier au défunt empereur Frédéric qui ont mis en émoi l’opinion allemande. L’auteur de Doit et Avoir avait été jadis l’un des membres principaux du groupe restreint de journalistes et d’hommes politiques rassemblés autour de soi par le fils et héritier du vieil empereur Guillaume. Plus tard, cette espèce de petite cour « libérale, « et volontiers « anti-bismarckienne, » s’était dissoute, — sous l’influence de la princesse-héritière, croyait Freytag, et aussi n’allait-il plus cesser de haïr passionnément cette « Anglaise, » coupable de lui avoir fermé l’accès familier du prince : mais celui-ci n’en était pas moins resté en des termes cordiaux avec son ancien confident. La veille encore de son avènement au trône, il avait adressé à Freytag une longue lettre, toute remplie d’affectueux éloges, et que l’on pourra voir reproduite en fac-similé dans le volume publié par Mlle Hermance Strakosch. Aussi avait-on été déjà grandement surpris lorsque, durant l’automne de 1888, le vénérable écrivain que l’on savait l’ami de l’Empereur défunt avait fait paraître un volume de Souvenirs pe7-so7inels où il donnait à entendre que le père de Guillaume II n’avait pas été du tout le « héros » que l’on supposait, ni, non plus, l’austère « libéral, » n’aspirant au trône qu’afin d’assurer l’émancipation de son peuple. Comme l’écrit quelque part le romancier lui-même, dans une de ses lettres à sa « fiancée, » cette publication de ses Souvenirs sur l’empereur Frédéric lui a valu, pour la première fois, d’amers reproches de la part de tout son parti politique de naguère : sans compter que l’on n’a point manqué de noter le soin qu’il a pris de soumettre d’avance son volume au nouvel Empereur, et l’empressement qu’a mis ce dernier à le féliciter de l’exactitude d’un portrait tendant à détruire de fâcheuses « légendes. « Incontestablement, il y a eu là, tout au soir de la vie littéraire (et à l’aurore de la vie amoureuse) de Gustave Freytag, un incident qui, déjà, a commencé à ébranler dans les esprits allemands la solidité d’une autre « légende, » celle-là consistant à se représenter l’illustre écrivain comme un vieux chêne de ses forêts natales. Bien des gens se sont demandé, depuis lors, si le plus « prosaïque » de leurs romanciers était bien, cependant, ce farouche Germain à l’âme indomptable que l’on s’était figuré jusque-là. Et voici que, dans le recueil de ses lettres à Mme Strakosch, le vieillard achève de nous montrer combien peu l’embarrassaient les scrupules ordinaires de la reconnaissance !
Non pas, à dire vrai, qu’il accuse jamais ouvertement son ancien