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refusé les titres de noblesse qui lui étaient offerts. Et déjà l’on se préparait à faire de la fête du centième anniversaire de sa naissance, en 1916, quelque chose comme la glorification solennelle d’un mode particulier de « vertu allemande, » ayant pour trait dominant le mélange d’une rudesse volontiers un peu bourrue et d’une austère droiture, incapable de se plier jamais à la moindre considération de plaisir ou d’intérêt personnels. Je crains seulement que la récente publication, par Mlle Hermance Strakosch, des Lettres de Gustave Freytag à sa Femme ne rende, dorénavant, assez malaisée la poursuite de ce beau projet d’apothéose littéraire et patriotique.


Mlle Hermance Strakosch est la fille d’un très honorable professeur et journaliste allemand qui, un jour de l’année 1883, étant venu donner une conférence à Wiesbade, avait cru devoir se munir d’une lettre d’introduction auprès de l’un des plus notoires habitans de l’endroit, le romancier Gustave Freytag, âgé alors d’environ soixante-huit ans. M. Strakosch se trouvait accompagné de sa jeune femme, qui, elle, ne devait guère avoir qu’une vingtaine d’années ; et encore bien que Freytag eût lui-même auprès de soi, à ce moment, sa seconde femme, dont la santé venait d’être gravement compromise par une série trop rapide de pénibles grossesses, Mme Strakosch nous affirme que, tout de suite, une affection très ardente était née entre sa jeune mère et l’illustre vieillard. L’année suivante, Freytag avait eu de nouveau l’occasion de revoir Mme Strakosch, qui, cette fois, s’était employée de son mieux à le divertir des ennuis que lui avait causés l’obligation de faire enfermer sa pauvre femme dans une maison de santé. Après quoi les Strakosch s’en étaient retournés à Vienne ; et, selon toute apparence, le romancier ne pensait plus guère à son aimable admiratrice, qui, de son côté, semblait parfaitement heureuse de procurer chaque année un enfant de plus à son mari, lorsque, le 3 décembre 1885, le hasard ayant ramené le conférencier et sa femme à Wiesbade, Freytag a eu l’idée de demander à Mme Strakosch s’il ne lui plairait pas de goûter avec lui chez un pâtissier, et puis de faire, en sa compagnie, une petite promenade aux environs de la charmante ville d’eaux rhénane. Le billet, tout respectueux, qui contenait cette incitation est immédiatement suivi, dans le recueil publié par Mlle Hermance Strakosch, de la lettre que voici, datée du 5 décembre 1885 :


Bien-Aimée ! Merci de ton petit souvenir, dont chaque mot demeure profondément gravé dans mon âme fidèle ! Remerciemens et saluts bien