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toute cause de débat sérieux entre le fisc et le contribuable. Or, tout d’un coup, sous l’empire de l’émotion causée par les armemens de nos voisins et par la contagion d’un exemple que nous nous étions longtemps refusés à suivre, voici que nous semblons disposés à accepter ce que nous condamnions. Ferons-nous entrer brusquement dans notre législation fiscale cet impôt sur le revenu, dont il était question depuis si longtemps et qui avait donné lieu à tant de combinaisons différentes, dont aucune n’avait abouti ? Il se présente avec la plupart des défauts inhérens au principe lui-même, auxquels s’ajoute celui de la superposition, particulièrement sensible dans la circonstance. En effet, les projets précédens nous apportaient un plan d’après lequel on substituait une nouvelle taxe aux anciennes contributions directes, qui sont en réalité un impôt sur le revenu établi d’après les signes extérieurs de la richesse. M. Dumont, au contraire, laisse subsister et les quatre vieilles et les droits sur les valeurs mobilières ; il augmente même dans une proportion très sensible ces derniers, en portant de 25 à 30 centimes le droit de transmission et de 4 à 5 pour 100 l’impôt sur le revenu des titres ; cela veut dire qu’il élève de 20 pour 100 dans le premier cas, et de 25 pour 100 dans le second, les impôts existans. Ceci ne l’empêche pas de frapper de l’impôt national les revenus déjà atteints par des lois générales ou des lois spéciales. Car on oublie sans cesse que, depuis longtemps, nous avons la chose sans avoir le nom.

L’assiette de l’impôt donnerait lieu à des difficultés énormes. On sait qu’elle est le problème capital de tout impôt sur le revenu. Ce n’est qu’au bout d’une période presque séculaire que les Anglais sont arrivés à faire de l’income tax l’instrument perfectionné qu’il constitue aujourd’hui, et il faudrait ne pas connaître l’organisation financière du Royaume-Uni pour ne pas savoir que les Anglais sont affranchis d’une foule de droits que nous payons en France. En Prusse, les luttes sont incessantes entre les contribuables et le fisc, dont les tracasseries sont légendaires : c’est par centaines de mille que se comptent les litiges qui naissent tous les ans entre les fonctionnaires et les assujettis. Nous ne souhaitons pas à nos compatriotes de connaître les misères d’un régime de ce genre.

Quelles que soient d’ailleurs les résolutions définitives que sanctionnera le Parlement, et à moins qu’il n’ait le courage