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L’assiette de l’impôt serait double. D’une part, le fonctionnaire que la loi appelle l’ « agent de l’assiette » procéderait à une évaluation détaillée des revenus à l’aide des renseignemens recueillis, en vertu de la législation existante, par l’administration des finances. D’autre part, il ferait une évaluation globale du revenu, en appliquant à la valeur locative de l’habitation ou de chacune des habitations du contribuable un coefficient qui varie de 4 à 8. Le revenu ainsi déduit de la valeur locative serait augmenté d’un vingtième par domestique en sus du premier, d’un vingtième par voiture et embarcation, de 5 pour 100 de la valeur du mobilier assuré pour ce qui dépasse vingt fois la valeur locative des locaux d’habitation. Le vingtième des voitures et embarcations serait doublé dans certains cas, lorsque la force des moteurs dépasse un chiffre déterminé par la loi. Le rôle de l’impôt serait établi d’après l’évaluation la plus élevée des deux, à moins que le contribuable ne déclare lui-même son revenu.

Ce projet se ressent de la hâte avec laquelle il a été dressé. Il renferme deux principes contradictoires, celui de l’évaluation du revenu d’une part, « à l’aide des renseignemens recueillis en vertu de la législation existante, » et d’autre part au moyen des signes extérieurs, habitation, domestiques, voitures. Bien que le dernier système ait en partie les défauts des lois somptuaires, il est plus conforme que le premier aux traditions de la Révolution française et à l’esprit de notre législation fiscale. L’augmentation d’un vingtième en raison du nombre des domestiques est tout à fait abusive ; la progression qui triple rapidement le taux initial de l’impôt, l’exemption beaucoup trop large à la base, qui affranchit la grande majorité des contribuables et prétend faire supporter la charge exclusive de la somme à fournir par 250 000 d’entre eux, sont autant de raisons de condamner le projet. Mais, s’il était vrai qu’un impôt sur le revenu fût indispensable, c’est dans cet ordre d’idées qu’il faudrait le construire. Hâtons-nous d’ajouter que cette nécessité n’est rien moins que démontrée. Sans parler des économies qu’il serait aisé de faire dans un grand nombre de nos ministères, il est facile de voir qu’une surtaxe ajoutée à plusieurs de nos contributions actuelles donnerait bien vite à M. Dumont les 70 millions qu’il entend retirer de l’impôt « national, » ainsi appelé sans doute parce que la nation presque