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Il faudra, pour asseoir cette contribution, qui ne doit être perçue qu’une fois, organiser un appareil fiscal coûteux et compliqué. Il serait excessif de compter sur la bonne volonté des contribuables. M. de Bethmann-Hollweg invoque les souvenirs de 1813, mais l’histoire nous apprend combien fut mal accueilli l’impôt sur la fortune et le revenu établi à cette époque. Les pères de famille de condition moyenne devront restreindre leur budget, diminuer leur consommation d’objets qui ne sont pas de première nécessité ; la répercussion se fera sentir sur nombre d’industries, qui verront leurs débouchés se rétrécir. Au contraire, si l’Empire se procurait le milliard par voie d’emprunt, l’argent lui serait apporté seulement par les contribuables qui épargnent, et dans la mesure de la somme que chacun de ces épargnistes a mise de côté ; en outre, le concours de l’étranger ne serait pas exclu, et de ce chef également la tension serait moindre sur le marché indigène. La contribution de guerre est injuste, car elle frappe les habitans d’une façon irrévocable, alors qu’au lendemain de l’assiette de l’impôt leur situation peut être modifiée. Le fardeau des intérêts et de l’amortissement d’un emprunt se répartit sur un grand nombre d’années, au cours desquelles cette charge se partagerait plus équitablement entre tous les citoyens, au prorata de leurs facultés.

Au point de vue économique, ce milliard sera employé à des dépenses improductives. Quel que soit le mode de prélèvement, le retrait d’une pareille somme exercera son influence sur le marché des capitaux. C’est une erreur de penser que la baisse des fonds publics ne serait pas la même dans les deux systèmes. L’émission directe d’un emprunt n’amènerait évidemment pas la hausse. Mais lorsque les disponibilités du pays auront été réduites d’une somme égale, les Allemands achèteront d’autant moins de rentes, et le cours de celles-ci fléchira en proportion des demandes normales que le paiement de la contribution militaire aura supprimées. Alors même que le milliard prélevé sur le capital de la nation ne représenterait que le cinquième ou le sixième de la plus-value annuelle de la fortune publique, c’est une somme dont la disparition se fera sentir.

Un autre reproche adressé au projet gouvernemental est qu’il favorise indûment les agrariens. Il constitue un privilège en faveur des grands propriétaires, en permettant d’évaluer les domaines non pas d’après leur valeur véritable, déterminée par