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Le dernier reste de leur puissance avait disparu ! » il y avait exactement cent-quatre-vingt-douze ans que la sainte cité de Jérusalem avait été conquise par les Francs et que Godefroy de Bouillon avait été proclamé roi du Saint Royaume de Palestine.

Déjà le 12 du mois de juin, le Sultan Malek el-Ashraf fit à Damas une entrée triomphale extraordinairement brillante après cette campagne si sanglante pour les siens, mais écrasante pour les chrétiens. D’après certaines sources, la prise d’Acre avait coûté soixante mille morts aux Sarrasins, dont plus de cent émirs, auxquels on rendit les plus grands honneurs funéraires. Les rues de la capitale syrienne étaient tapissées des plus belles étoffes sur le passage du cortège. Tous les habitans des campagnes étaient accourus pour admirer ce spectacle extraordinaire. La foule était prodigieuse sous un ciel de feu. On portait devant le Sultan des bannières chrétiennes la pointe en bas, et, fichées sur la pointe des lances, les têtes des principaux chefs francs, tandis que les captifs suivaient, liés par des cordes sur leurs chevaux de guerre.

Après avoir consacré la plus grande partie de l’immense butin conquis à Acre à des fondations pieuses, à la construction et à l’entretien de coûteux monumens funéraires, de la chapelle sépulcrale de son père, de celle aussi qu’il se faisait bâtir pour lui-même, après avoir attendu à Damas environ un mois que ses troupes eussent achevé d’occuper les dernières cités chrétiennes du littoral, le Sultan repartit pour sa splendide capitale du Kaire où il entra en pompe encore plus brillante vers la mi-juillet, au milieu d’un immense concours. « Toute l’Egypte, dit Abou’l Mahaçen, était accourue pour prendre part à ce spectacle. »

Dans deux écrits da style le plus hautain, Malek el-Ashraf fit pari au roi Héthoum II d’Arménie de ces événemens formidables, lui disant quel colossal butin il avait fait à Acre, le menaçant, s’il ne recommençait aussitôt à payer le tribut jadis fixé, de dévaster sa terre et de détruire sa capitale de Massissa. Dès l’an suivant, en 1292, il menait une expédition triomphante vers le Haut Euphrate et s’emparait de la formidable citadelle arménienne de Hromgla. Le 12 décembre 1293, il périssait assassiné dans une chasse.

Makrizi raconte qu’on trouva dans une église de Saint-Jean-d’Acre