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De même Ludolf de Suchem raconte qu’à Matharia, dans les faubourgs de cette ville, il vit, parmi les chrétiens faits prisonniers à Acre, quatre Allemands dont un originaire de Schwarzbourg en Thuringe, puis qu’il rencontra plus tard deux Templiers, l’un bourguignon, l’autre toulousain. Ces infortunés étaient bûcherons sur les bords de la Mer Morte. Le Sultan finit par leur rendre la liberté. De même Jean Vitoduran dit que beaucoup de chevaliers chrétiens ainsi que leurs descendans étaient esclaves des Musulmans, mais que ceux-ci avaient pour eux de la considération.

Sur ces entrefaites, d’autres groupes sarrasins encore s’étaient rués sur la masse des défenseurs pisans à la Porte Saint-Romain. Ils les avaient chassés après avoir brûlé leurs machines. Puis, après un court et violent combat, ils avaient enlevé d’assaut la rue des Allemands et, s’engouffrant par cette voie, battu et repoussé les chevaliers de Saint-Thomas près l’église de Saint-Léonard. D’autres bandes encore avaient forcé l’entrée de la ville, les unes par la Porte Saint-Nicolas, les autres par la Tour du Légat, car cet édifice qui, jusque-là, avait été vaillamment et heureusement défendu par Jean de Grailly et Otton de Granson, venait de succomber à son tour. Jean et Otton, forcés de fuir précipitamment, réussirent à atteindre un navire qui fut leur salut à tous deux. Certaines sources affirment que le premier échappa sans blessures et pour cela le couvrent d’injures. D’autres, tout au contraire, disent qu’il fut grièvement atteint. Le magister Thaddæus, le même qui dit qu’il faut excuser le roi de Chypre à cause de sa jeunesse, insulte Grailly et dit qu’il ne fut chevalier que de nom, chrétien que des lèvres.

C’était la fin de ce grand drame ! Partout une foule sarrasine délirante escaladait les murailles, poussant des cris de mort, et se précipitait par les rues à la poursuite des chrétiens. La bravoure ne pouvait plus rien contre ces masses énormes que des renforts venaient grossir sans cesse. Tout était perdu. Presque tous les guerriers francs étaient tués, pris ou en fuite. Les quelques centaines d’entre eux, un millier peut-être, qui luttaient encore contre ce flot de noirs démons envahisseurs, furent facilement repoussés, exterminés ou pris. La foule des survivans chrétiens cherchant à sauver leurs vies, se ruait vers le port, refuge suprême. Tous, chevaliers, prêtres, moines et religieuses,