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de deux cents hommes chacune, soutenues par une réserve de cent soixante autres groupes de pareil nombre. Ainsi divisées, les colonnes d’assaut se ruèrent à nouveau sur les brèches si péniblement barricadées l’avant-veille et sur les bastions maintenant complètement ruinés. Le magister Thaddæus, un des chroniqueurs chrétiens du siège, dit que le Sultan avait promis une récompense de mille dirhems pour chaque lance chrétienne conquise. Un témoin oculaire raconte aussi que les premières sections d’assaut portaient de grands boucliers de bois, les secondes quatre chaudrons chacune, contenant de l’huile et aussi des torches de résine enflammées. Les trois sections suivantes étaient armées d’arcs ; les dernières enfin étaient équipées de courtes targes de cuir et de sabres courts aussi. Ceux-là, dit Amadi, avaient plus particulièrement pour objectif l’attaque de la Tour Ronde ou Tour du roi Hugues, que défendaient vaillamment le roi de Chypre, le prince Amaury de Lusignan, de nombreux Templiers et Hospitaliers, en un mot l’élite de l’armée assiégée.

Tant qu’ils eurent des munitions, les guerriers chrétiens luttèrent avec le plus intrépide courage ; puis, quand elles furent épuisées, ils continuèrent le combat avec des bâtons, des faux et autres armes de fortune, à coups de pierre aussi, luttant furieusement pour la vie. C’est à ce moment même qu’une nouvelle apparition du valeureux maréchal des Hospitaliers, Mathieu de Clermont, vint une fois de plus changer pour quelques instans la face du combat. Accouru avec les siens d’une autre extrémité de la défense, il réussit, à l’aide de tous ces combattans à nouveau encouragés, à rejeter une fois encore au delà du rempart l’ennemi qui avait déjà forcé et dépassé la Porte Saint-Antoine. Mais ce ne fut cette fois qu’un court répit ; aux bandes sarrasines repoussées succédèrent des bandes nouvelles, troupes fraîches surexcitées à la fois par mille promesses et mille menaces, qui se précipitèrent avec fureur en avant. La première de ces troupes, forte de plusieurs milliers de combattans, courant à travers des champs d’amandiers bouleversés par le jeu des mines, força à travers trois brèches différentes la Tour du roi Hugues que le bombardement des catapultes avait complètement ruinée. C’était en ce point que combattait le roi Henri de Chypre à la tête de sa chevalerie. ; Après que cette tour eut été ainsi prise et occupée par un détachement