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monta à cheval, et toute son immense armée se rua à l’assaut sur toute la ligne du rempart d’un rivage à l’autre par toutes les brèches praticables. Les chrétiens ne pouvaient plus guère opposer à leurs ennemis qu’environ sept mille combattans exténués de fatigue. Bientôt le fossé à la Porte Saint-Antoine fut, sur une longueur de plus de cent brasses, comblé par toutes sortes de matériaux qu’avaient apportés sous la conduite de milliers de conducteurs plus de trente mille bêtes de somme : chevaux, ânes et chameaux, bœufs aussi traînant des chariots. Aussitôt les assaillans escaladèrent l’avant-mur où une brèche avait été pratiquée sur une longueur de soixante brasses. L’enthousiasme était immense dans leurs rangs. Des derviches à la traînante chevelure, des santons fanatiques se jetaient dans les fossés, parmi les sacs de terre, et faisaient de leurs corps un passage aux colonnes d’assaut. Makrizi raconte que, pour exciter encore l’ardeur de ses soldats, le Sultan avait réuni un corps de trois cents timbaliers sonnant du tambour, montés sur des chameaux. Cette musique extraordinaire renforcée par celle des timbales, des trompettes, de mille autres instrumens, couvrait la ville assiégée d’une immense et assourdissante rumeur.

Les défenseurs, exténués de fatigue, reculèrent de la longueur d’une portée d’arbalète devant la fureur de ces formidables bandes d’assaut. Ils se retirèrent de maison en maison vers l’intérieur de la cité jusqu’au moment où l’on vit accourir les chevaliers du Temple venus d’une autre extrémité de la ville. L’apparition de ces vaillans rendit l’espoir aux combattans chrétiens découragés. Le maréchal de l’Hôpital, Mathieu de Clermont, prenant leur tête, poussa de l’avant, à travers les masses ennemies, avec une magnifique vigueur. Il transperça de part en part un émir ennemi, frappant autour de lui d’estoc et de taille, tuant et blessant une foule de Musulmans. Électrisés par son exemple, les défenseurs d’Acre reprirent un moment l’offensive et réussirent, après une lutte terrible, à repousser à nouveau l’ennemi au delà de la brèche de la muraille.

Les chrétiens, qui avouaient une perte de deux mille hommes alors qu’ils affirmaient avoir massacré plus de vingt mille Sarrasins, se hâtèrent de disposer devant la brèche si vaillamment reconquise vingt de leurs plus grandes catapultes et cinquante de moindres dimensions. Ils y apportèrent en hâte les munitions nécessaires : quartiers de roc, pierres et armes de trait.