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Blois, avec toute la ligne du rempart qui allait de la Tour Saint-Nicolas à la Barbacane du roi Edouard d’Angleterre. Le 8 mai probablement, la Barbacane du roi Hugues, complètement ruinée, s’écroula tout entière avec le pont qui la reliait à l’intérieur de la ville. Le 15, tomba définitivement la Tour du roi Edouard. Ses débris comblèrent entièrement le fossé et facilitèrent ainsi le passage de l’ennemi qui occupa aussitôt ces ruines et garnit avec des sacs de sable et des fagots de ramée les vides produits par l’action des sapes et des mines ; ce fut comme une sorte de voie artificielle créée pour pénétrer dans la ville.

Quel spectacle effroyable c’était qu’un de ces grands sièges du moyen âge oriental ! Quelle formidable agitation guerrière, quelle confusion, quelle rumeur constante et terrible ! D’un côté se dressent les remparts géans couverts de la foule des combattans aux cottes de mailles étincelantes sous les feux du soleil syrien ; on aperçoit les machines colossales, balistes et catapultes, qui ne cessent de lancer les pierres énormes et les lourds javelots meurtriers. De l’autre, c’est la foule sarrasine infinie, aux cent races diverses, bariolée des plus pittoresques costumes de guerre. Des bandes de cavaliers aux burnous blancs passent sans cesse au galop, brandissant leurs armes, poussant mille vociférations. Les artificiers à la peau bronzée manœuvrent les catapultes géantes, accroupies au loin comme autant d’animaux fabuleux. Sans cesse ils s’arc-boutent pour tendre les cordes soutenant les paniers monstrueux pleins de quartiers de roc. Sans cesse, au milieu des flots de la plus affreuse poussière, ceux-ci vomissent leurs pesans projectiles sur la malheureuse cité. Les émirs au blanc turban poussent à l’assaut les milliers d’hommes de pied dont les brunes figures ruissellent de sueur. Un infernal tumulte emplit l’atmosphère ; les cris de douleur, les imprécations des blessés et des mourans, les hurlemens des combattans qui s’excitent à la lutte, les détonations du feu grégeois, le choc des quartiers de roc s’abattant sur le rempart, le bruit que font en s’agitant ces milliers de combattans et d’animaux, tout cela constitue le plus terrible des ouragans humains, une vraie scène de l’enfer. Et toujours sur ces images d’horreur l’implacable soleil d’Asie flamboyant dans un ciel sans nuages.

Au matin du 16 mai, aux premières lueurs du jour, le Sultan