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d’accord pour louer la bravoure du jeune roi[1]. Les assiégés, transportés d’allégresse, l’accueillirent en allumant des feux de joie. Il combattit vaillamment les Infidèles, mais son corps d’armée était réellement trop faible et il ne conquit pas plus d’influence dans la direction des événemens que ne l’avait fait son frère qui, lui, était à Acre depuis avant le commencement du siège.

Aussitôt après son arrivée, le Roi, malgré les bien faibles chances qu’il y avait encore de repousser les assiégés, alors que la situation semblait presque désespérée, crut devoir faire une dernière tentative auprès du Sultan. Il lui envoya solennellement deux ambassadeurs : Guillaume de Cafran et le chevalier Guillaume de Villiers, chargés de demander des explications sur cette agression soudaine contre la ville de Saint-Jean-d’Acre. Mais Malek el-Ashraf refusa toute conversation sur ce sujet et se contenta de demander aux deux envoyés s’ils lui apportaient les clefs de la ville. Sur leur réponse négative et comme ils imploraient sa pitié pour le pauvre peuple de la cité, il leur dit que sa seule volonté était d’avoir Saint-Jean-d’Acre, tout le reste lui demeurant fort indifférent. « Nous ne pourrions sans risquer la mort, s’écrièrent-ils alors, conseiller aux nôtres de rendre la ville. » Malheureusement, à ce moment même de l’entretien, les assiégés étant en train d’essayer une nouvelle catapulte placée sur la Tour du Légat, une pierre, lancée de là, effleura de si près la tente du Sultan que celui-ci, écumant de rage, tira son épée pour tuer les ambassadeurs chrétiens. Les infortunés s’estimèrent fort heureux de s’en tirer avec la vie sauve. Ainsi ces négociations suprêmes furent brusquement rompues après que l’émir Schughaï eut prié le Sultan de ne pas rougir son épée « dans le sang des porcs ! »

Entre temps, les assiégeans, par leur bombardement infernal, incessant, ne cessaient de faire des progrès. Les troupes du même émir Schughaï venaient d’attaquer, après en avoir sapé et miné les fondemens, cette nouvelle tour qui se dressait en avant de la Tour Maudite, sur la première muraille, ouvrage extérieur, percé de meurtrières, qui s’appelait « la Tour du Roi. » De même, elles avaient déjà complètement démoli et ruiné la barbacane dite du roi Hugues et la Tour de la comtesse de

  1. Ceux, en petit nombre, qui l’accusent de lâcheté, sont manifestement de mauvaise foi.